Procès de l’affaire « Djamel Bensmail » : aveux glaçants et rebondissement - Radio M

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Procès de l’affaire « Djamel Bensmail » : aveux glaçants et rebondissement

Lynda Abbou | 19/11/22 02:11

Procès de l’affaire « Djamel Bensmail » : aveux glaçants et rebondissement

Au troisième jour du procès des personnes présumées impliqués dans l’assassinat de Djamel Bensmail devant le tribunal criminel de Dar El Beida à Alger, jeudi 17 novembre 2022, des accusés ont fait des aveux pour le moins « choquants ». Ils étaient une trentaine à avoir été auditionnés.  

Si leurs aveux ont laissé stoïques certains avocats et les magistrats, habitués sans doute à traiter des affaires criminelles, certains présents dans la salle ont été sidérés et choqués par ce qu’ils ont entendus.

Le drame a eu lieu exactement dans deux cites phares. D’abord le commissariat de police de la ville de Larbaâ nath Irathen chez qui se trouvait la victime, puis la Place Abane Ramdane qui selon les accusés et leurs avocats est à 100 m dudit commissariat. C’est la Place où il a été immolé. 

« Je lui ai enlevé ses papiers, ses clefs et son téléphone » 

Il est 11H30, l’accusé M.C est appelé à la barre pour répondre aux questions du juge. « Six autres sont déjà passés en ce troisième jour de procès », nous ont indiqué peu avant des avocats.

M.C apparait sur l’une des vidéos avec les papiers de Djamel Bensmail qui était encore vivant à l’intérieur du fourgon de la police qui se trouvait à l’intérieur du commissariat.  « Pourquoi t’as retiré les papiers, le téléphone et les clefs à la victime ? », demande le juge. Et le procureur de l’interpeller également : « t’es qui pour rentrer dans le véhicule de police et lui enlever ses affaires ? ». A ces questions, M.C dit qu’il voulait « protéger » Djamel Bensmail et qu’il a demandé à la foule de laisser cette affaire à la police.

Le juge lui demande alors : « pourquoi frapper la victime dans le « vito » (véhicule de police) et pourquoi exhiber ses papiers en disant qu’il est de Ain Defla ? » 

L’accusé se défend en affirmant qu’il n’a pas frappé Djamel Bensmail, mais qu’il l’a poussé avec son pied pour l’empêcher de descendre du véhicule. « Je ne l’ai pas frappé, je l’ai poussé avec mon pied car c’était dangereux pour lui de descendre et parce qu’il ne comprenait pas le kabyle », répond-t-il au juge. 

Evoquant une vidéo montrant la foule, entourant le « vito », qui lui avait cédé le passage à son arrivée, le juge l’interroge de nouveau : « T’es qui et quelle est ta place pour que les gens t’ouvrent le chemin de cette manière ? T’es le prophète Moussa ? ». « Je n’ai jamais compris pour quoi les gens m’ont cédé le passage », répond M.C avant que le juge lui fasse observer : « puisque les gens sur place semblaient t’écouter et t’ont cédé le passage, pourquoi tu ne leur as pas dit, pour les calmer, que Djamel Bensmail n’a rien avoir ? » ; « pourquoi tu as exhibé ses papiers au lieu de le protéger ? ». Réponse de l’accusé : « Je ne sais pas. Mais je voulais le protéger, il m’avait dit « KHATINI » (je n’ai rien fait). J’ai demandé alors à la foule de laisser la police faire son travail ».

Alors qu’un autre accusé, A.S, avait fait des aveux devant la police après son arrestation, reconnaissant avoir poignardé Djamel Bensmail à l’intérieur du « vito », jeudi, devant le juge, il est revenu sur ses propos. « J’étais en colère et je l’ai frappé avec mes doigts de la main droite en lui disant :« pourquoi tu nous as fait ça ? » et lui m’avait répondu : « je te jure, mon frère, que je n’ai rien avoir.. ils m’ont trahis », raconte A.S au juge. Le magistrat lui rappelle ses dires devant la police chez laquelle il avait avoué qu’il a avait bel et bien poignardé la victime. « Non je ne l’ai pas poignardé. Les policiers m’avaient dénudé et voulaient me violer et ce sont eux qui m’ont demandé de dire que je l’ai poignardé », répond A.S.    

« Mais t’avais également avoué que t’as agressé des individus de Mila et que quelqu’un dans la foule t’avait donné un couteau…», le relance le juge. «Non, je n’ai jamais dit ça » répond l’accusé. Le juge lui demande : « qui étaient, en plus de toi et de Djamel Bensmail, dans le fourgon de police ? ».  « Il y avait un policier », dit-il. Interrogé sur le changement de sa coiffure juste après le meurtre, A.S dit qu’il « avait peur de la réaction du peuple, ce qui l’avait poussé à changer sa coiffure ».

« J’ai rajouté du carton au corps qui brulait »

Un accusé originaire de Tiaret, qui répond au nom de T.T, vivant àLarbaâ Nath Irathen, depuis son mariage à une femme de la région depuis 14 ans, apparait sur des vidéos entrain de mettre du carton sur le corps brûlant de Djamel Bensmail lors de son immolation à la Place Abane Ramdane, sise à une centaine de mètres du commissariat.  

« J’ai mis du carton et des feuilles d’arbres sur le corps de la victime déjà immolé pour le couvrir et afin que les gens ne prennent pas de photos», se justifie  T.T.

Le juge fait remarquer à l’accusé que les images montraient qu’il rajoutait du carton alors que le corps du défunt brûlait toujours. « J’ai couvert le corps avec du carton et des feuilles d’arbres, une première fois, quand le corps avait cessé de brûler pour que les gens cessent de prendre des photos. Mais j’étais contraint de rajouter du carton, une fois que j’ai été menacé par certains qui ont mis du feu de nouveau à la victime».

« J’ai trainé le corps de Djamel Bensmail »

Si les questions sur l’identité de ceux qui ont fait descendre Djamel Bensmail du « vito », l’instant de son assassinat et l’auteur qui l’a aspergé d’essence n’ont pas encore trouvé de réponse, des accusés ont reconnu certains actes qui donnent froid au dos.   

C’est le cas de B.M qui a dit au juge qu’il avait essayé de « calmer la foule et la repousser vers l’extérieur du commissariat », avant d’avouer qu’il a « trainé le corps de la victime du commissariat jusqu’à la place Abane Ramdane en compagnie d’un autre accusé Z.G ».

Interloqué, le juge lui demande : « pourquoi tu l’as trainé alors que tu voulais calmer la foule ? Tu savais ce que tu faisais à ce moment là ?». «Non, je ne savais pas ce que je faisais car j’étais sous le choc », répond B.M. Interrogé pour savoir si c’était lui qui a brûlé la victime, B.M a affirmé « qu’il l’a trainé, mais qu’il ne l’a pas brulé ».

« J’ai égorgé le corps brulé de Djamel Ben Smail »

Le temps passe et les accusés défilent l’un après l’autres. C’est au moment où l’assistance se perdait dans des chuchotements, suscitant la colère du juge qui a menacé plusieurs fois de prendre des mesures pour instaurer le calme, qu’un accusé, O.I, lâche : « J’ai égorgé Djamel Bensmail ! ». Un silence de cathédrale s’installe alors subitement dans la salle d’audience. Tous voulaient écouter sa version.

« J’ai égorgé le corps brulé de Djamel Bensmail. J’étais saoul, j’avais pris 10 bières. Quand je suis arrivé sur place, il y’avait beaucoup de monde disant que c’était lui qui a brûlé et tué nos familles. Je l’ai alors égorgé avec un cutter. Et en faisant ça, j’entendais une femme dire : « égorges le, égorges le », mais je n’avais pas vu son visage. Après l’avoir égorgé avec le cutter, j’ai frappé sa tête avec un coup de pied », avoue O.I devant une assistance choquée et médusée.  

Regrette-t-il son acte ? « Je regrette ce que j’ai fait. Mais, ce n’est pas moi qui l’ai tué car il était déjà mort à mon arrivée. Appliquez sur moi la peine de mort si vous prouvez que c’est moi l’auteur de l’homicide ».

« C’est moi qui ai diffusé le direct Facebook pour maudire le corps brûlé de Bensmail »

Peu après O.I, c’est la femme qu’il avait entendu dire «égorges le, égorges le » d’être appelée à la barre. Originaire de Koléa et infirmière de métier, elle s’était rendue dans la région par solidarité, selon elle.

Elle avoue d’emblée que c’était elle l’autrice du direct Facebook dans lequel elle filmait le lynchage de la victime et en appelant à son égorgement.

« Après avoir déposé des aides, je cherchais à quitter avec ma voiture la ville de Larbaâ Nath Irathen, encombrée à ce moment là. C’est en cherchant à comprendre ce qui s’y passait, qu’un policier me lança : «celui qui a allumé le feu a été attrapé ». A peine descendue de mon véhicule pour voir de quoi il s’agissait, des gens ont commencé à me montrer du doigt en m’accusant d’appartenir au DRS. L ’un des accusés présents ici, B.A, m’a directement dit : «toi, t’es du DRS ». Et pour lui prouver que je suis venu juste pour aider, je lui ai montré ma carte professionnelle d’infirmière. C’est dans ces conditions que j’ai fait le direct et que j’ai commencé à maudire le corps de Djamel Bensmail en appelant à son lynchage », avoue N.M.

« J’ai dit : « égorgez le » pour qu’il soit une leçon.  J’ai frappé le corps avec un coup de pied et j’ai craché dessus en disant : « laissez le mourir comme un chien ». Mais, c’était pour sauver ma peau. N’importe quelle femme aurait fait la même chose que moi », ajoute-t-elle.

«Si tu as vraiment dit tout ça par peur, pourquoi filmer et faire un direct ? », interroge alors le juge. «J’étais en danger et je devais faire ça pour arrêter l’acharnement de la foule contre moi », répond-t-elle.  

Parmi les derniers accusés qui ont répondu au juge et au procureur, il y a Z.G, la seconde  personne qui a trainé le corps de la victime du commissariat jusqu’à la Place « Abane Ramdane ». « J’ai frappé le corps de Djamel Bensmail, avant son immolation, avec des coups de pieds et je l’ai trainé environ 100 m jusqu’à la Place Abane Ramdane, puis je suis reparti. Ce n’est pas moi qui l’ai brûlé», avoue Z.G.

Rebondissement

Après l’audition des accusés, c’est autour de la partie civile d’être appelée à la barre. Beaucoup d’absences ont été enregistrées, dont celle du père du défunt, Djamel Bensmail. Seulement trois étaient présents : outre le représentant juridique d’Algérie Telecom, il y’avait deux jeunes hommes originaires de la wilaya de Boumerdes. Il s’agit de B.L et M.F. Ils étaient, selon leurs témoignages, à bord d’une Clio Campus à Larbaâ Nath Irathen pour porter de l’aide à la population. C’est au moment où ils s’apprêtaient à quitter la ville qu’un individu, un des accusés, en l’occurrence M.C, les a sommés, une pelle à la main, de s’arrêter. « De peur d’être agressés, on a courus en compagnie de notre troisième ami, appelé Faouzi, vers des policiers qui nous ont cachés et protégés avant notre transfert au commissariat de Tizi-Ouzou tard dans la nuit», ont-ils raconté au juge.  Ils précisent toutefois qu’ils ignorent comment « Faouzi s’est sauvé ». Interrogé par le juge s’ils « connaissaient Djamel Bensmail, s’il était avec eux et quand ils avaient appris la nouvelle de son assassinat », B.L et M.F ont assuré « qu’ils ne le connaissaient pas et qu’ils ont appris la nouvelle que tard dans la soirée ».  Sauf qu’un détail a intrigué les avocats des accusés : dans la page 160 de l’arrêt de renvoi, il est noté que le téléphone de Djamel Bensmail a été retrouvé entre les mains de M.F. Mais à la question des avocats, celui-ci a nié. Cependant, les avocats des accusés ont insisté auprès du juge pour se pencher sur cet élément de l’affaire qui pourrait ouvrir la voie à d’autres rebondissements. Le juge a promis d’entamer l’audience de ce samedi par cet élément.

Lisez le compte rendu des auditions du deuxième jour du procès ici.

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