Une année depuis l'arrivée de Tebboune: Un bilan décevant - Radio M

Radio M

Une année depuis l’arrivée de Tebboune: Un bilan décevant

Lynda Abbou | 12/12/20 20:12

Une année depuis l’arrivée de Tebboune: Un bilan décevant

Ça fait une année qu’Abdelmadjid Tebboune est arrivé au pouvoir en Algérie, dans des circonstances particulières marquées par une abstention record à l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 contestée par le Hirak, mais aussi par certains autres incidents.

Des milliers d’algériens avaient manifesté lors de ce scrutin aux cris de « Pas de vote avec la bande ! Nous voulons la liberté ! » pour dénoncer la tenue de l’élection. Ce rendez- vous a été marqué également par le boycott absolu d’une région entière à savoir la kabylie. Cette dernière qui est historiquement réfractaire au pouvoir central, avait déjà exprimé son rejet de la présidentielle plusieurs semaines plutôt.

Il faut dire que cette élection n’était autre qu’une conclusion d’un coup de force du défunt Chef d’Etat-major de l’Armée algérienne, Ahmed Gaïd Salah.

Le chef de l’État par intérim, Abdelkader Bensalah, avait annoncé en septembre 2019 la tenue de la présidentielle le 12 decembre de la même année. La date annoncée coïncidait avec les délais réclamés par, Ahmed Gaïd Salah !

D’ailleurs, la constitutionaliste Fatiha Ben Abbou, a révélé lors de son passage cette semaine sur Radio M, que « c’est feu Ahmed Gaïd Salah, qui a décidé quel rôle allait jouer le panel de médiation et de dialogue mené par Karim Younès » !

 Fatiha Ben Abbou qui faisait partie de ce panel dédié initialement au dialogue, a expliqué que son équipe avait posé le problème des détenus d’opinion au Chef de l’Etat de l’époque, Abdelkader Bensalah.

« On lui avait dit que nous ne pouvons pas commencer notre travail avant leur libération » a-t-elle raconté. Mais selon elle, le général Ahmed Gaïd Salah est vite entré en jeu pour décider que le panel « devait s’occuper des élections » ! 

Face à ce coup de force, les manifestants multipliaient les actions et les appels au boycott de la présidentielle. Les perturbations des meetings de la campagne électorale se sont multipliés à cette époque-là. Chahutés lors de leurs déplacements et de leurs réunions, les candidats ont fait campagne dans un climat de tensions. En revanche plusieurs arrestations ont eu lieu, certains manifestants sont encore poursuivis dans cette affaire.

Jusqu’à la veille du jour du vote des rumeurs circulaient comme quoi l’ancien ministre de la Culture, candidat du RND, Azzedine Mihoubi, était le candidat du pouvoir.  La rumeur a pris de l’ampleur et les problèmes d’Abdelmadjid Tebboune se sont multipliés ; il a été lâché par son directeur de campagne Abdellah Baali le premier jour de campagne. Puis il a été gravement accusé dans un reportage diffusé sur la chaine Ennahar TV de Anis Rahmani. Il a été accusé d’être financé par des cercles « occultes ».

Une année après son arrivée au pouvoir, le bilan d’Abdelmadjid Tebboune est « très mitigé ». Si la crise sanitaire liée à la pandémie Covid-19 a beacoup contrarié le plan du pouvoir et celui du Hirak qui a suspendu ses marches hebdomadaires, rien ne peut être retenu à l’actif de Tebboune notamment sur le plan des libertés.

Au début de son mandat il avait dit qu’il tend sa main au Hirak, mais depuis rien n’a été fait dans la direction du mouvement populaire. Il a initié une série de rencontres consultatives avec nombre de personnalités nationales et politiques, mais le contenu et les résultats de ses rencontres sont restés inconnus pour les algériens.

Pire encore, depuis son arrivé au pouvoir, beaucoup d’emprisonnements ont été enregistrés et plusieurs lois liberticides ont été adoptées.

Alors que l’Algérie est touchée de plein fouet par l’épidémie de Covid-19, des députés algériens ont adopté un projet de réforme du code pénal “criminalisant” la diffusion de fausses informations qui portent “atteinte à l’ordre public et à la sûreté de l’Etat”. Une loi jugée « flou et liberticide qui vise à museler la liberté de la presse ».

Il y a quelques jours, un décret exécutif, publié au journal officiel et signé par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, fixant les « modalités d’exercice de l’activité d’information en ligne et la diffusion de mise au point ou rectification sur le site électronique », a été qualifié d’une interdiction, absurde, d’une presse électronique indépendante.

La gestion de la crise sanitaire a révélé par ailleurs, la carence du système sanitaire en Algérie. Des professionnels n’ont pas cessé de dénoncer une « gestion sécuritaire et bureaucratique » de la crise qui est à l’origine de la détérioration de la situation épidémique.

Présenté comme l’un de ses projets phares le référendum sur la nouvelle constitution de Tebboune a été également un échec…

Un référendum constitutionnel censé fonder, d’après le pouvoir en place, une « nouvelle Algérie » a été organisé le premier novembre passé. Avec seulement 23,7 % de participation, c’est un échec majeur pour la feuille de route du pouvoir ! Dès le début aucun consensus autour du projet de la Constitution n’a été constaté. Les conditions d’un véritable débat public n’ont pas été réunies, à savoir le respect plein et entier des libertés politiques indispensables à un tel débat.

L’Algérie n’échappe pas aux conséquences économiques en ces temps de pandémie, qui viennent s’ajouter à un climat politique déjà tendu. « La situation économique du pays est très inquiétante » alertent les spécialistes. La crise sanitaire a dégradé une économie déjà affaiblie en Algérie. Etant dépendante du marché mondial, la chute du cours des hydrocarbures liée aux confinements planétaires a aggravé la situation économique du pays.

Sur le plan diplomatique, l’Algérie n’a pas pu peser pendant l’année en cours notamment dans le dossier libyen et dernièrement avec l’accord de normalisation « Maroc-Israël », en contrepartie de la reconnaissance par Washington de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental. Très peu de choses ont été réalisées sur ce plan qui a été impacté par la situation interne, ce qui a rendu l’action diplomatique moins agressive.

Aujourd’hui, soit un an après son arrivée au pouvoir, Abdelmadjid Tebboune est absent pour des raisons de santé. Il a été évacué vers Allemagne, le 28 octobre 2020 pour y être soigné du coronavirus. Aucune image n’a été montrée du Chef de l’Etat ! L’opacité demeure sur son état de santé ce qui rend la situation politique encore plus difficile. Beaucoup de défis attendent l’Algérie sur les plans ; économique, politique et diplomatique. À commencer par la signature du projet de loi de finance 2021 et le sort de la Constitution votée le premier novembre passé.