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Meeting du FFS à Alger : entre manœuvres et appréhensions

Radio M | 02/10/22 19:10

Meeting du FFS à Alger : entre manœuvres et appréhensions

Par Meziane Isli

Au regard du contexte marqué par une congélation politique, un raidissement du pouvoir et un étouffement des libertés, cette activité du plus vieux parti de l’opposition relève d’un miracle. D’une gageure.

Le fait mérite sans doute d’être relevé : un meeting populaire d’un parti d’opposition, en l’occurrence le FFS, en plein cœur de la capitale. Il faut probablement remonter à la période d’avant la pandémie, si l’on excepte quelques rares activités organiques des partis dont particulièrement ceux de l’allégeance, tolérées par le pouvoir, pour voir une activité politique publique et de surcroit d’un parti d’opposition. Au regard du contexte marqué par une congélation politique, un raidissement du pouvoir et un étouffement des libertés, cette activité du plus vieux parti de l’opposition relève d’un miracle. D’une gageure. Encore plus lorsqu’on sait que nombre de figures de l’opposition ont eu maille à partir, notamment depuis l’insurrection populaire de 2019, avec la justice tandis que certains autres partis ont été interdits d’activité, voire menacés de dissolution comme le PST ou l’UCP. Karim Tabbou et Fethi Ghares sont même passés par la case prison alors que Mohcine Bellabes, ex président du RCD est trainé devant les tribunaux.

Signe d’un début d’ouverture surtout que son activité a été couverte par les médias publics et parapublics? Pas si sûr. Et s’il faut sans doute se garder de toute conclusion hâtive, cette activité, dans un climat de fermeture politique et de désenchantement de larges pans de la population, peut se décliner à priori comme une volonté du pouvoir de lâcher du lest d’autant qu’il est confronté à de nombreux défis. Et pas des moindres : faire face à certaines pressions extérieures, rétablir la confiance et endiguer l’érosion du pouvoir d’achat qui met à mal de nombreux ménages. Critiqué sévèrement pour avoir participé aux élections municipales de novembre 2021 et pour avoir accepté l’invitation aux consultations initiées par Abdelmadjid Tebboune, le FFS, qui se remet laborieusement d’une crise interne qui a duré de longs mois, a profité de l’occasion de ce meeting, coïncidant avec l’anniversaire de sa création, pour interpeller les « décideurs ».

«Considérer toute opinion divergente comme une menace pour le pays est une grave erreur qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la nation toute entière », prévient le premier secrétaire du FFS, Youcef Aouchiche. Selon lui, «la stabilité du pays exige tout autant des institutions fortes, légitimes et démocratiques dont le fonctionnement doit être homogène et cohérent qu’une opposition, autonome,  forte et constructive ».« Il est impératif de cesser avec les ruses, le bricolage et l’improvisation. Il est impératif d’arrêter avec les tentations de vouloir tout contrôler. Le temps de la pensée et du parti unique est révolue, le temps de l’autoritarisme est révolu », a-t-il encore ajouté. Pour le FFS, la traque des « extrémistes », dans une allusion à peine voilée au MAK et Rachad considérés par les autorités comme des organisations terroristes, ne justifie nullement l’option ultra sécuritaire adoptée par le pouvoir et la fermeture politique. « S’il est légitime de combattre les forces extrémistes qui menacent la stabilité et l’unité du pays, il faut permettre l’expression de la diversité politique surtout quand elle se nourrit de la fibre patriotique et nationalistes ». Face aux « évolutions préoccupantes contraires aux discours officiel », autant il met en garde le pouvoir contre toute velléité d’atomisation de la scène politique, autant il appelle les forces « nationalistes » et « sociales » à la mobilisation et à l’union pour réclamer une réelle ouverture politique et médiatique.

Ce recentrage du discours du FFS, qui tranche singulièrement avec quelques positions récentes à l’origine des remous qui ont secoué le parti, traduit-il quelques craintes d’un plus grand verrouillage de la scène politique notamment à travers certaines lois en chantier ? Ou s’adresse-t-il à sa base militante en vue d’une mobilisation en perspective du congrès prévu la fin de l’année et qui s’annonce décisif ? A moins de vouloir se poser en interlocuteur fiable au pouvoir, désormais sans base politique et sociale après le discrédit de ses clients traditionnels,- d’où ses appels répétés au dialogue et au consensus-, le FFS suggère en tous cas la persistance des tiraillements au sommet en « évoquant l’opacité en amont » et « la contradition entre le discours officiel et l’orientation politico-économique du pouvoir ». Reste à savoir si ce discours a des chances d’être entendu lorsqu’on sait que toutes les initiatives des personnalités, de la société civile et autres partis politiques se sont toutes heurtées à l’intransigeance du pouvoir réfractaire jusqu’ici à toute idée d’ouverture.