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Blog⎜Contre-vérités d’outre frontières sur l’histoire de Tlemcen et Bejaia

Radio M | 03/11/22 15:11

Blog⎜Contre-vérités d’outre frontières sur l’histoire de Tlemcen et Bejaia

Décidément, dès qu’il s’agit d’évoquer notre pays sous l’angle historique, les «nostalgériques» de tous bords, les revanchards de la vingt-cinquième heure et autres pseudo-historiens mercenaires à la solde d’officines étrangères ont la peau dure et la rancœur tenace.

Par Kamel Bouslama

Hé oui ! Après maintes contre-vérités flagrantes et assertions tout aussi fausses présentées -pour les besoins des commanditaires qui les emploient- comme autant de faits historiques réellement vécus, des contre-vérités et fausses assertions qui n’ont de caractère scientifique que dans l’esprit malveillant de cette engeance envers notre pays, les voila qui récidivent insidieusement en édictant, toute honte bue, que «la seule question que doit se poser l’historien est de se demander pourquoi les brillantes principautés de Tlemcen à l’ouest  et de Bougie (Bejaïa) à l’est, ne constituèrent pas les matrices de l’Algérie, alors que Fez et Marrakech ont créé le Maroc» (1).

Quand le mensonge flagrant est érigé en…«vérité» historique

Et, en l’occurrence, notre pseudo historien mercenaire à la solde de qui vous savez -puisqu’il s’agit de l’inénarrable Bernard Lugan, qui est natif de Meknès- de s’en prendre sans scrupule à la défunte historienne  algérienne Fatima-Zohra Bouzina Oufriha qui pourtant n’a fait qu’énoncer une vérité tangible travers le passage ci-après : «C’est le rôle du Maghreb central que je cherche à réapprécier par rapport à une lecture, partiale et biaisée, une interprétation de l’histoire qui pour moi est coloniale, dans la mesure où systématiquement le rôle du Maghreb central qui deviendra l’Algérie est escamoté au profit du Maghreb extrême qui deviendra le Maroc.

Or, à cette période, poursuit feue Fatima-Zohra Bouzina Oufriha, il n’y a pas un pays qui s’appelle le Maroc, mais il y a le Maghreb extrême et le Maghreb central et le rôle de ce dernier est central, et ce, sans jeu de mots, principalement dans la naissance et la constitution en particulier de l’Empire almohade, dont le fondateur Abdelmoumène Ben Ali El Koumi, (originaire des Traras et ayant fait ses études à Tlemcen) est, selon les dénominations actuelles, un Algérien (2).

Pourtant, arguments à l’appui, l’historienne a tenu à souligner qu’Abdelmoumène «est le conquérant qui a su à partir d’un credo religieux particulier fonder le plus grand et le plus beau des empires maghrébins, de toute l’histoire du Maghreb. Il s’est appuyé de surcroît sur sa tribu d’origine des Koumiya et celle mitoyenne des Oulhaça qu’il a fait venir à Marrakech pour être le support de son autorité et écarter les Masmouda de l’Atlas, cela figure en toutes lettres chez Ibn Khaldoun (3). Or, dans tous les écrits français concernant cette période, on attribue et l’empire et tout ce qui y a été grand et remarquable aux Masmouda et/ou Marocains sans autre forme de procès.

Et, en substance, l’historienne d’asséner sans détours : «Derrière cette lecture biaisée et partiale, il y a la thèse coloniale de la «terra nulla» qui s’est installée à un certain moment, après la conquête de l’Algérie par la France, qui pose que l’Algérie et le Maghreb central n’ont jamais existé, n’ont jamais rien fait de bon dans l’histoire. C’est toujours le Maroc que l’on met en exergue, même pour des actions où il n’y est pour rien. Il faut rendre au Maghreb central sa place réelle. Tout ce travail, je le montre clairement en m’appuyant sur des sources incontestables». (Fatima-Zohra Bouzina Oufriha, in «El Watan », 21 mai 2016, cité par «Algéria-Watch», 1er juin 2018).

Mais revenons à notre pseudo-historien mercenaire à la solde de qui vous savez pour indiquer qu’il ne s’en arrêtera pas à sa première assertion, puisqu’il ne se privera pas de raccourcis éculés pour en énoncer une autre ci-après : «Ces quelques lignes résument la question posée par le titre de ma chronique d’aujourd’hui. Fatima-Zohra Bouzina Oufriha semble en effet cultiver elle aussi ce complexe historique qui interdit régulièrement aux historiens algériens de regarder en face leur passé».  

Et le même pseudo-historien mercenaire de conclure, en répondant à sa propre interrogation, par cette autre contre-vérité historique : «La réponse à cette question est pourtant claire : prises en étau entre le Maroc et Tunis, l’autonomie de Tlemcen et de Bougie ne fut que ponctuelle, ces deux cités dépendant constamment des hauts et des bas de leurs puissants voisins».Voilà pourquoi, selon ce pseudo historien mercenaire, Tlemcen et Bougie n’eurent pas un destin comparable à celui de Fès et de Marrakech, lesquelles furent des capitales d’empires.

Fez et Marrakech «capitales d’empires», a-t-il dit ?

Certes, Tlemcen et Bejaia n’ont pas été les capitales d’empires respectifs comme a cru, pour ce qui est de Fez et Marrakech, le prétendre toute honte bue Bernard Lugan ; mais ce sont deux très brillantes «principautés» qui, ne lui en déplaise, ont marqué de mille et une façons l’histoire de l’Afrique du nord centrale, et pas seulement de l’Algérie d’aujourd’hui. Il n’est que de se rappeler que Tlemcen fut une grande capitale ziyanide, en l’occurrence capitale du pays qui a vu naitre sur son sol l’Algéro-zénète et conquérant almohade Abdelmoumène. Capitale qui a aussi connu l’invention de la mangana, une horloge à automate dont l’auteur de l’ouvrage ne fut autre que l’ingénieur tlemcénien Abou l-hassan Ibn el Faham. Et Bejaia qui connut aussi ses heures de gloire avec le sultan EnNacer, lequel fit de cette cité celle qui, pour la première fois dans l‘histoire de l’humanité, exporta non seulement la bougie et les mathématiques vers l’Europe médiévale, mais aussi l’appellation arabe de «chantier naval», «Dar Es Senaà», qui a donné par la suite le mot «Arsenal» et peut-être aussi le mot «Darse».

Quant à Fez et Marrakech, désignées prétendument «capitales d’empires», il ne faut vraiment pas manquer de culot pour l’affirmer mordicus. Inutile donc de fouiller davantage dans la mythomanie maladive de notre pseudo-historien mercenaire. N’allons pas chercher trop loin des exemples qui prouvent tout le contraire de ce qui est avancé de façon faussement péremptoire, histoire pour notre pseudo-historien mercenaire de plaire au Makhzen qui l’emploie. Alors, tenons-nous en seulement  à cette question posée il y a un peu moins d’une quinzaine d’années par deux journalistes à Daniel Rivet, un autre historien français auteur de plusieurs ouvrages sur le Maghreb, en particulier sur le Maroc. Voici la fameuse question posée par ces deux journalistes, à savoir Hamid Barrada et Philippe Gaillard, à l’historien en question(*): «Les marocains ont tendance à croire qu’ils forment une nation depuis toujours. Mythologie ? Légende ?». Et voici la réponse cinglante de Daniel Rivet : «Pour moi, il s’agit d’une mythologie, mais d’une mythologie fondatrice. C’est un récit des origines qui les a construits pendant le protectorat et leur donne aujourd’hui encore une conscience collective très forte (…)».

En vérité, -car l’histoire amplement documentée en atteste dûment- il est fort peu probable que Fez et Marrakech aient été capitales d’empires par le seul fait des voisins de l’ouest. Elles ont certes été des capitales de sultanats, comme l’ont été, pour leur part, Tlemcen et Bejaia ; les preuves scientifiques, à ce sujet, ne manquent pas, faut-il le rappeler. Il faut aussi noter que bien avant que le Maroc ne soit connu comme tel, autrement dit comme royaume unifié vers le milieu du XIXe siècle, il était partagé en deux «vulgaires» sultanats rivaux et indépendants : ceux de Fès et de Marrakech. De là donc à affirmer que les deux cités en question ont été capitales d’empires, le pas a vite, trop vite été franchi par notre illusionniste de pacotille.

Autre preuve tangible s’il en faut, cet autre témoignage on ne peut plus édifiant sur l’histoire et le statut politique au XIXe siècle d’au moins l’un des deux sultanats en question, à savoir celui de Fès : Qu’on en juge plutôt : «Lorsqu’on trouve, dans les journaux et dans les documents diplomatiques d’Europe, des expressions telles que celles-ci : l’empire du Maroc, le gouvernement de Sa Majesté chérifienne, le cabinet de Fès, on s’imagine que le sultan Moula-Hassan est un prince assez semblable à la reine Victoria ou à l’empereur Guillaume. Lorsqu’on arrive à Fès, lorsqu’on y reste quelque temps surtout, on se demande sans cesse où est l’empire du Maroc, où est le gouvernement de Sa majesté chérifienne, où est le cabinet de Fès? De tout cela, on ne voit nulle  trace. L’empire du Maroc est un composé de provinces, les unes indépendantes, les autres en partie soumises à l’autorité d’un homme, qui est un pontife plutôt qu’un souverain ; (p.230) il n’y a d’ailleurs entre elles aucun lien, aucune cohésion, aucune homogénéité, aucune unité. Quant au gouvernement de Sa Majesté chérifienne, il n’existe en aucune manière ; car peut-il y avoir gouvernement sans une organisation quelconque, sans un ordre administratif au moins rudimentaire, sans une coordination entre les différents pouvoirs qui, du haut en bas de l’échelle politique, exercent leur action sur le pays ?». (Extrait de «Une ambassade au Maroc», par Gabriel Charmes, 1887 : La cour du sultan (XI, pages 229 à 233).

Dont acte. Mais croyez-vous que notre pseudo-historien mercenaire en question va s’amender pour autant et admettre que du fond de son hystérie maladive, il ne fait que raconter des histoires à faire dormir les enfants ? Que non ! Il aura récidivé une fois de plus, une fois de trop rien que parce qu’il s’agit tout simplement de rabaisser chaque fois, voire dénigrer systématiquement, à tout-va, notre pays auquel cet agent du Makhzen natif de Meknès, au Maroc, voue depuis toujours, sans contredit, une haine viscérale jamais démentie.

(*) D’après «La Revue pour l’intelligence du monde», une publication de jeune Afrique, Mai-août 2009, pages 112 à 129)

Notes :

(1) Mais alors,…pourquoi, à l’instar de Fès et Marrakech, ces deux villes auraient-elles du créer l’Algérie puisque le pays existait déjà en tant que nation dans les mêmes frontières que celles actuellement reconnues et ce, depuis la plus haute Antiquité, même si à l’époque elle s’appelait la Numidie, tout comme la France s’appelait la Gaule à la même époque ? En tout cas telle devrait être plutôt la réponse au pseudo historien en question.

(2) Abdelmoumen est natif de Tajra, dans la région de Tlemcen, près de Nédromah. Les historiens de l’époque dont Ibn Abi zar’ («Rawdh el-Kirtas») et Ibn Qattan font varier sa date de naissance entre 487/1094 et 500/1106 : Ibn Abi zar’ («Rawdh el-Kirtas») 495/1101 ; et Ibn Qattan : 494/1100. Il était Zénète d’origine, de la tribu des Koumya, endroit situé à environ trois miles de Port-Honaine (Nedromah-Ghazaouet)

(3) Ici on se demande si, par prudence et vraisemblablement instruit de la trahison, commise à l’encontre de son prédécesseur algéro-numide Jugurtha par son beau-père marocain Bocchus, Abdelmoumène n’ait agi par anticipation d’un possible attentat contre sa propre  personne en tant que calife. Toujours est-il qu’une fois intronisé en tant que calife à Marrakech, et après avoir eu vent de la conspiration des frères du Mahdi contre lui, et «n’ayant pu conserver aucun doute sur le danger qu’il courait, il pensa que ce danger venait surtout de ce qu’il était étranger et n’avait autour de lui aucun confident ni garde de sa propre tribu». Ce qui l’a décidé à écrire «secrètement aux cheikhs des Koumia en les invitant à venir à lui à cheval, avec tous les hommes de la tribu qui auraient atteint l’âge de la puberté. En même temps, il leur envoya de l’argent et des vêtements. Les Koumia se réunirent au nombre de quarante mille pour venir à Marrakech servir de garde particulière au calife. (D’après Rachid Bourouiba in «Abdelmoumène». Collection «Art et Culture», Ministère de l’Information et de la Culture, Alger 1976, 143 pages)