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À la veille du verdict : les proches de Rabah Karèche expriment leur sentiment d’injustice

Lynda Abbou | 11/08/21 22:08

À la veille du verdict : les proches de Rabah Karèche expriment leur sentiment d’injustice

Le verdict du journaliste et correspondant du journal Liberté incarcéré pour des articles de presse, Rabah Karèche, sera prononcé ce jeudi 12 août 2021, au tribunal de Tamanrasset. Radio M, rencontre l’épouse, l’ami et le frère du détenu.

Le procès du journaliste a eu lieu jeudi 05 aout passé et le procureur de la république a requis contre lui, 3 ans de prison ferme assortis d’une amende de 100 mille DA.

Placé sous mandat de dépôt depuis le 19 avril dernier à la prison de Tamanrasset. Karèche est poursuivi pour « administration d’un compte électronique consacré à la diffusion d’informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société », « diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public » et « usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et à l’unité nationales ».

Le choc

La mise sous mandat de dépôt de Rabah Karèche était choquante pour sa famille. Son épouse a été transportée en urgence à l’hôpital et son frère s’est effondré !

Ils savaient que son travail était risqué mais ils ne s’attendaient pas à ce que ça arrive jusqu’à l’emprisonnement. « L’incarcération de mon frère était un grand choc pour moi et pour la famille, bien qu’on savait qu’il travaillait sur des sujets qui fâchent. Il a été convoqué et interrogé à maintes reprises » raconte Kamel Karèche.

C’était prévisible

« La dernière convocation était en mois de Ramadan passé, pendant toute la journée, je faisais des allers retours au commissariat où se trouvait mon frère. Un calvaire qui a continué même en soirée. Vers 1h30 du matin mon frère a été conduit pour une visite médicale et a été placé en garde à vue, puis en prison préventive. Nous étions très navrés  », a regretté le jeune frère de Rabah Karèche.

Contrairement au frangin, le meilleur ami de Rabah Karèche, Kamel Ait Fella, trouve que l’incarcération du journaliste était prévisible.

« L’emprisonnement de mon ami n’a jamais été une surprise pour moi.  Je m’attendais à ça depuis 2019, car il a été souvent intimidé par les services de sécurité qui lui ont même reproché d’être « le seul à couvrir une minorité », en référence aux manifestations du Hirak ».  À cela Rabah a répondu : « je continuerai à couvrir même s’il restera une seule personne à manifester ».

D’après Kamel Ait Fella, en 2019 le journaliste a fait des articles sur les détenus de l’emblème amazigh, “chose qui lui a couté un interrogatoire et un procès verbal”. Selon la même source, Karèche “a été également interrogé par rapport à ses articles liés à la pandémie Covid-19”.  “Pour tout ça Rabah Karèche lui-même savait qu’il allait être emprisonné un jour” assure-t-il.

“Aujourd’hui je n’ai pas peur pour Rabah car c’est un journaliste professionnel qui travaille avec conviction. « Il savait qu’il prenait des risques » souligne Ait Fella. “Je pense plus tôt à ses enfants et son épouse qui s’est retrouvé séparée de son époux peu de temps après le décès de son père.

Emprisonné Rabah n’a pas pu soutenir sa famille dans des circonstances pareils” a-t-il noté. « Malgré tout je garde espoir, et même s’il sortira ce jeudi, je serai toujours triste pour mes concitoyens incarcérés pour une simple opinion », a ajouté le militant Kamel Ait Fella. Le jeune frère lui dit qu’il « faut s’attendre à tout, mais qu’une chose est sur, sa place n’est pas en prison ». « C’est un doctorant en science économique » a-t-il ajouté.

« Dès que papa sort de prison on ira en vacances »

Avec un regard triste et un sourire courageux, madame Karèche défend la cause de son mari à haute voix. Elle nous a expliqué que son époux est professionnel. D’ailleurs, elle était témoins lors du procès de son époux. Elle a été interrogée sur le travail de son mari, ses orientations et ses fréquentations politiques. L’épouse a défendu son mari et avait assuré qu’il a toujours fait preuve de professionnalisme.

En interrogeant madame Karèche, les enfants du journaliste jouaient autour de la table. Une fille de 9 ans et un garçon qui a fêté cette semaine ses 6 ans. Ils étaient contents de voir les avocats et les journalistes se déplacer pour leur papa incarcéré, pensant qu’ils vont le sortir de sa cellule. « Dès que papa sort de prison on ira en vacances », a dit le petit à sa maman. Cette dernière nous a confié que les petits sont devenus impatients depuis le début des vacances scolaire.  

Solidarité

Concernant la solidarité autour de l’affaire Karèche, Kamel Ait Fella a précisé que contrairement à ce qui se dit, Karèche « est soutenu par beaucoup de monde ici à Tamanrasset ». D’ailleurs, trois notables Touaregs, dont un ancien député, se sont succédés lors du procès la semaine passée, pour confirmer qu’ils ont bien tenu les propos rapportés par Rabah Karèche.

« C’est grâce à Karèche que notre message est parvenu aux autorités et que le problème a été réglé. C’est nous qui l’avons sollicité pour travailler sur ce sujet. Nous avons l’habitude de travailler avec lui car c’est un journaliste professionnel. Nous lui tirons chapeau aujourd’hui et demain, car il a transmis nos préoccupations. Ce journaliste ne sème pas la discorde, nous ne doutons pas de son nationalisme. Mieux encore, il est plus nationaliste que les responsable locaux » a témoigné un notable.

Cet élan de solidarité réconforte non seulement Rabah mais nous réconforte aussi », a confirmé l’épouse du détenu. « Je prie à ce qu’il sort de là-bas et qu’on le retrouve. Rabah est un journaliste professionnel, il aime son pays et il aime son métier »