"L’Algérie décollera le 12 décembre"…mais où va t-elle atterrir ? - Radio M

Radio M

“L’Algérie décollera le 12 décembre”…mais où va t-elle atterrir ?

Ghada Hamrouche | 02/12/19 14:12

“L’Algérie décollera le 12 décembre”…mais où va t-elle atterrir ?

“L’Algérie décollera le 12 décembre avec une nouvelle République !” . C’est ce qu’a déclaré récemment le “petit candidat” Abdelaziz Belaïd, cet ex-FLNiste scissionniste qui a fondé son propre parti, le Front El Moustakbal.

Cette déclaration de M. Belaid, démontre encore une fois le fossé qui sépare la contestation citoyenne de cette campagne électorale morose,  insipide et surréaliste. Ce candidat n’est pas le seul à se faire remarquer par des déclarations qui relèvent plus du folklore que d’un projet présidentiel.  Tous les candidats se sont distingués par une joute oratoire à la fois vis-à-vis des citoyens, de leurs partisans et depuis peu, entre eux. Et le meilleur est à venir dans les tous prochains jours !

Alors que la rue quasi-unanime rejette en bloc cette mascarade électorale, arguments à l’appui, les candidats qui, à l’image du pouvoir en place qui les utilise à bon escient, non seulement semblent sourds, aveugles mais aussi parfois de mauvaise foi, feignent d’ignorer cette colère. En réalité, ils sont parfaitement au courant du sentiment dominant chez les citoyens que ni la chaleur, ni le froid, ni la pluie ni les menaces ne les ont dissuadés de manifester depuis février dernier sans aucun relâchement et avec un pacifisme qui a surpris nombre d’observateurs.  Aux manifestations des vendredis, se sont rajoutées les manifestations des mardis et les manifestations nocturnes dans certaines villes largement relayées par les réseaux sociaux. 

Des candidats en campagne rejetés de quasiment partout y compris dans les villes du Sud et des Hauts plateaux réputés pour leur tolérance, condamnés à faire des meetings dans de petites salles qu’ils ont souvent du mal à remplir, sous haute protection sécuritaire,  totalement coupés de la réalité sociale,  qui font des promesses aux algériens  à tout va sans jamais chiffrer leurs projets auxquels on se demande si eux-mêmes sont convaincus par leur réalisme.

Alors que l’Algérie vit une situation économique des plus fragiles et des plus instables, ces candidats n’hésitent pas de faire dans la démagogie promettant pêle-mêle une ligne ferroviaire Alger-Tamanrasset, le plein emploi des jeunes, la hausse des salaires,  des hôpitaux d’urgence, des plans spéciaux pour le Sud, la révision de la constitution, la lutte contre la corruption,  le développement du tourisme, la résolution définitive du problème du logement, la remise en cause du système éducatif au travers le « problème du changement de langue d’un niveau à un autre » sans donner la moindre indication sur les moyens qui seront mobilisés pour la réalisation de ces projets,  même si certains affirment « savoir où aller chercher cet argent » (Sic), ni les délais de leur réalisation.


Lorsqu’on y regarde de près ces “programmes”, on est surpris par leurs similitudes et leurs généralités. Peu de candidats se distinguent par une originalité et un pragmatisme qui fait grandement défaut.  Par exemple, aucun candidat ne s’est positionné quant à la place de l’institution militaire dans l’échiquier politique algérien. Aucun n’a abordé les vrais difficultés auxquelles sont confrontés les algériens dans leur quotidien.   La plupart se contentent de vagues promesses généralistes qui ne suscitent quasiment aucun intérêt chez la majorité des citoyens.

Des candidats qui se mettent en scène avec de pathétiques images les montrant en pleurs, émus, en burnous, en Djelaba, sirotant un thé, grignotant des cacahuètes, interrompus dans leurs discours par leurs partisans qui viennent les embrasser sur scène en les assurant de leur soutien…  Les réseaux sociaux pullulent d’images de ces candidats incapables de communiquer sérieusement et rendant souvent leurs apparitions aussi comiques que  pitoyables.

Tout cela sous fond d’arrestations de militants contestataires, de diatribes incessantes du Chef d’Etat-Major à l’égard de la “bande” dont il nous a promis de nommer ses représentants. On attend toujours …

Pire ! Plus que de défendre leurs “programmes”, les cinq candidats plaident tous pour une participation massive à l’élection du 12 décembre. Peu importe le gagnant et peu importe le “programme”. L’essentiel est de participer et de répondre à la feuille de route de l’Etat-major !

Dans ces conditions, on pourrait légitimement se poser des questions sur leur prochaine confrontation médiatique annoncée par les médias. Les journalistes chargés de les interroger seront-ils à la hauteur de l’ ”évènement” ?  Auront-ils la liberté de poser toutes les questions qui préoccuperaient  les citoyens ? Quand on voit la ridicule couverture de cette campagne par les médias officiels et privés, on est en droit de douter.

Non M. Belaid,  l’Algérie ne décollera pas le 12 décembre avec une nouvelle République ! Elle décollera lorsque les aspirations légitimes des citoyens, qui sont à bout, sont satisfaites. Elle décollera lorsque la raison l’emportera sur la démagogie et la passion. Elle décollera lorsqu’on cessera de mentir aux citoyens. Elle décollera si  on passe de l’autoritarisme actuel vers la vraie démocratie, et non une démocratie de façade. Elle décollera  lorsque des postulants au Koursi , soient capables d’identifier les priorités du moment sur le plan politique, économique et social et proposent des  propositions concrètes pour les résoudre et non un catalogue de mesures à la Prévert dépourvu de sens. Ils en sont loin !

Et les citoyens sont encore plus loin d’arrêter leurs revendications !  Si cette élection est maintenue, nul doute que la contestation des citoyens continuera quel que soit le gagnant de cette élection, dont on peut prévoir  le record absolu des abstentions et  qui démarrera son mandat avec le lourd handicap de son manque de légitimité populaire.

C’est Balzac qui disait “Tous ces prétendus hommes politiques sont les pions, les cavaliers, les tours ou les fous d’une partie d’échecs qui se jouera tant qu’un hasard ne renversera pas l’échiquier”.

Je rajouterai, surtout lorsqu’ils ne sont pas l’émanation d’une volonté populaire !