Azzedine Mihoubi aurait il fait un meilleur président que Abdelmadjid Tebboune ? (Blog) - Radio M

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Azzedine Mihoubi aurait il fait un meilleur président que Abdelmadjid Tebboune ? (Blog)

El Kadi Ihsane | 19/11/22 20:11

Azzedine Mihoubi aurait il fait un meilleur président que Abdelmadjid Tebboune ? (Blog)

Le candidat à la présidentielle de 2019 vient de se rappeler au souvenir des Algériens. Il a fait paraître un nouveau roman.

Azzedine Mihoubi, n’a pas fait qu’annoncer son retrait de la politique, il y’a quelques mois, il a aussi repris l’écriture romanesque. Son dernier livre « Massirat Al Afaa » (le parcours du serpent) vient de paraître. Il ramène dans la lumière l’ancien ministre de la culture (2015-2019) après qu’il ait frôlé la correctionnelle – sans jeu de mots. sur RIl a été entendu par un juge d’instruction de Sidi M’hamed en novembre 2021, dans une affaire de financement public de production cinématographique remontant à la période ou il a dirigé le secteur (2015-2019) .

La question de savoir si le président par intérim du RND en juillet 2019 pouvait faire un meilleur président que Abdelmadjid Tebboune, peut paraître incongrue ? Personne ne pouvait prétendre pouvoir devenir un président efficace en laissant sur le bord l’écrasante majorité des Algériens le jour du scrutin. Mouloud Hamrouche l’avait bien résumé en déclarant à des partisans venus spontanément lui demander de se présenter à l’élection :« président, je ne pourrai rien faire ». Alors reformulons la question. Quel type de président aurait pu faire Azzedine Mihoubi comparé au type de président qu’est Abdelmadjid Tebboune ? Dans un régime électif normal, on aurait cherché dans le programme de campagne de l’ancien ministre de la Culture les éléments de comparaison.

Comment ? « Notamment à travers l’actualisation de la forme actuelle du système » qu’il propose non pas de changer, mais de « raffermir », en concrétisant « plus d’acquis au profit des libertés et de l’indépendance des deux pouvoirs, judiciaire et législatif.

Son programme pour  briguer El Mouradia, rendu public le 17 novembre 2019, à moins de 4 semaines de l’échéance du 12-12, laisse montrer un positionnement plus en phase avec la demande de liberté de la société algérienne largement mobilisée dans le Hirak. 15 engagements et 200 mesures, dans lesquels la volonté de « réforme institutionnelle » est à peine plus précise que chez le rival Abdelmadjid Tebboune et ses 54 engagements. Le Hirak aux yeux du candidat Mihoubi est une quête des Algériens de nouveaux espaces de liberté « pour exercer leur lutte politique en dehors des cadres traditionnels ». Une mutation, qu’il promet, en intellectuel de la création artistique, d’œuvrer à comprendre et à cerner ».

Comment ? « Notamment à travers l’actualisation de la forme actuelle du système » qu’il propose non pas de changer, mais de « raffermir », en concrétisant « plus d’acquis au profit des libertés et de l’indépendance des deux pouvoirs, judiciaire et législatif. On l’aura compris, si Azzedine Mihoubi manie une « expression politique » moins sommaire que l’actuelle titulaire du poste, c’est pour dire en gros la même chose. Pas de chamboulement institutionnel face aux revendications du Hirak de changement radical, notamment par le libre exercice de la souveraineté populaire. Marqueur de l’engagement du candidat pour les libertés, son attitude vis-à-vis des détenus politiques de l’autonome 2019. Azzedine Mihoubi comme Abdelmadjid Tebboune n’a pas pipé mot. Il s’est accommodé des arrestations, de figures du mouvement du HIrak et du travail de déblayage du chef d’État Major pour ouvrir la voie à une cooptation à El Mouradia. Il a toutefois parlé d’amnistie s’il devait être élu. Pas avec plus de zèle que Abdelmadjid Tebboune, qui a également fait miroiter cette issue face à la persévérance du Hirak, décidé à faire libérer ses détenus.

Le test de l’affaire KBC

Si l’on devait quand même prêter à Azzedine Mihoubi de très timides ambitions réformatrices et d’ouverture démocratique, un peu plus concrètes, que celles, furtives, de son rival Abdelmadjid Tebboune, la question est de savoir si le personnage détient une autonomie relative vis-à-vis des faiseurs de présidents, les hiérarques de l’ANP. Azzedine Mihoubi, à l’inverse de Abdelmadjid Tebboune, a manqué une occasion historique de suggérer à l’opinion un trait de caractère.

Un homme affable, proche des créateurs dans le champ culturel, tolérant vis-à-vis des pensées différentes de la sienne, mais pas un homme politique à principe

L’actuel président a affronté durant l’été 2017 l’oligarque en chef Ali Haddad et l’a payé de son poste de premier ministre. Il s’est construit une légende sur cette séquence, qui, à la fin de l’été 2019 en plein désarroi du système face à la marée populaire, a rendu possible sa cooptation par son protecteur principal, l’homme fort de l’armée Ahmed Gaïd Salah. Azzedine Mihoubi lui, alors ministre de la Culture en juin 2016 sous Ahmed Ouyahia, à l’inverse, a choqué, les élites cultivées, l’opposition, et au-delà une partie de l’opinion en ne défendant pas une de ses plus proches collaboratrices, Mounia Nedjai, jetée en prison dans le cadre de la cabale contre la chaine de télévision KBC, ni Issad Rebrab et ses ambitions dans l’industrie des médias.

Mehdi Benaissa directeur de la chaine et le directeur de production du programme « Nass Estah » était les deux autres co-inculpés incarcérés. La détention provisoire a duré plus d’un mois, a déclenché une large campagne de solidarité et surtout le profil infatué du ministre de la Culture, soucieux de ne pas déplaire au clan Bouteflika et aux autres décideurs. Azzedine Mihoubi s’est alors avéré sous un jour moins avantageux. Un homme affable, proche des créateurs dans le champ culturel, tolérant vis-à-vis des pensées différentes de la sienne, mais pas un homme politique à principe. Inconsistant dans l’adversité. Une démission du poste dans ce contexte lui aurait sans doute construit une postérité politique. Elle était à mille lieues de correspondre au personnage.

Deux ailes de l’ANP

Ce n’est pas donc pas sur le critère de l’autonomie vis-à-vis de ses promoteurs de l’ANP que Azzedine Mihoubi pouvait apporter plus de gages que Abdelmadjid Tebboune. Pour savoir s’il allait faire un meilleur président ou un président différent, il aurait fallu rechercher les différences dans les projections entre la branche cachée de la hiérarchie de l’ANP qui a tenté de le soutenir en sous-main et celle, visible, incarnée par le chef d’État-Major Ahmed Gaïd Salah. La première, dont un des animateurs serait bien le patron de la DSI de l’époque, le général Wassini Bouazza, voulait surtout éviter, pour des raisons obscures, l’arrivée de Abdelmadjid Tebboune à El MOuradia. Elle avait peu de chances de réussir avec Ahmed Gaïd Salah aux Tagarins. On ne sait donc pas qu’elle est la feuille de route qu’un hypothétique Azzedine Mihoubi aurait eu à exécuter si Wassini Bouazza était arrivé – c’est un chef d’inculpation contre lui – à « corrompre » les résultats de la présidentielle au ministère de l’Intérieur.

Constitution présidentialiste ? Répression massive des marches populaires ? Article 87 bis ? Classification du MAK et de Rached terroriste ? Dérive autoritaire ? Rien n’est écrit. Il est possible toutefois d’imaginer un président plus enclin à convaincre avant de sévir. La culture politique de Wali dont est doté Abdelmadjid Tebboune se ressent tous les jours dans son mode de gouvernance. Azzedine Mihoubi, plus enclin au débat politique partisan et aux compromis qui vont avec, aurait peut-être conduit différemment la même feuille de route stratégique.

Adossée à des convictions pro-business plus évidentes, c’est peut-être dans le domaine de l’économie que la gouvernance, potentiellement moins auto-centrée du candidat président Mihoubi, aurait sans doute été la plus différente de celle de Tebboune. La campagne d’arrestation des chefs d’entreprises, des anciens ministres et hauts fonctionnaires se sont poursuivie jusqu’au cœur de 2022 sous couvert de lutte contre la Issaba, et étaient souvent assortis de lourdes peines injustifiées au regard du dossier juridique dans la plupart des cas. Cela a largement retardé la reprise des investissements privés en Algérie, et pèse sur la conjoncture.

Content d’en échapper

La comparaison d’une présidence en cours avec une présidence virtuelle peut paraître purement spéculative. On pourrait y ajouter le mode de gestion du conflit avec le Maroc, de la relation à l’international, du niveau d’alignement faible ou prononcé sur Moscou dans le bras de fer avec l’Otan. Azzedine Mihoubi ne dégage pas de ligne de lecture sur ces questions. Pas plus que Abdelmadjid Tebboune avant sa cooptation. Là aussi, les différences ne peuvent être que de style. Même si en diplomatie la forme compte parfois.

Azzedine Mihoubi, 63 ans, est revenu à ses amours d’auteur et assure se tenir loin de la politique. Est-ce que ce sera le cas en toutes situations dans l’avenir ? La question sophiste de savoir s’il serait un meilleur président que Abdelmadjid Tebboune, peut reprendre du sens en cas de panne de casting du système pour incarner la fonction présidentielle dans l’avenir. Il faudrait qu’auparavant la case El Mouradia soit à nouveau vide. Car sous Abdelmadjid Tebboune, peu de « risque » que d’autres candidats du système puissent s’avancer.  Azzedine Mihoubi est bien content d’avoir échappé au sort de Nourredine Bedoui, le premier ministre de la phase transitoire, embastillé le 23 aout dernier, officiellement pour malversations, officieusement pour avoir penché, en 2019, du côté de la candidature de l’ancien ministre de la Culture de Bouteflika.

Lorsqu’en plus, il regarde du côté du général à la retraite Ali Ghediri et du sort carcéral inique qu’il subit, Azzedine Mihoubi a, sans doute, de fortes envies de rester ce qu’il aurait dû toujours être : un journaliste « loyaliste » agile avec les mots et la création romanesque. Au lieu de s’égarer dans une prétention à incarner la vitrine civile du système, à un moment de l’Histoire ou le pays reprenait la parole.