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Presse algérienne : des mesures économiques en trompe-l’œil

Radio M | 04/12/23 16:12

Presse algérienne : des mesures économiques en trompe-l’œil

Le président Tebboune a annoncé dimanche un ensemble de mesures fiscales et tarifaires en faveur des médias locaux. Au menu : réductions d’impôts, baisses des tarifs Internet, création d’un fond d’aide aux journalistes… Objectif affiché : améliorer les conditions matérielles des organes de presse, dans un contexte économique difficile. 

Ces initiatives sur le plan strictement financier, aussi bienvenues soient-elles, masquent cependant une toute autre réalité. Derrière ce coup de pouce budgétaire se cache une situation alarmante des libertés de la presse dans le pays. Rappelons qu’en 2022, l’Algérie occupaitla 134e place mondiale sur 180 pays au classement RSF de la liberté de la presse, soit 3 places de moins qu’en 2021. 

Le fossé est abyssal entre ces mesures économiques et la réalité oppressante que vivent les journalistes algériens. Ces derniers sont en effet régulièrement victimes de pressions, voire d’emprisonnements arbitraires, quand ils osent exercer un journalisme libre et indépendant.

Une série noire pour les journalistes critiques

Les exemples de journalistes indépendants jetés en prison sont légions ces dernières années. Citons Khaled Drareni, embastillé pour avoir simplement couvert le Hirak. Ou Rabah Kareche, détenu des mois durant pour s’être contenté d’informer. Idem pour Mustapha Bendjama, récemment condamné à 14 mois de réclusion. 

Autre symbole de cette chape de plomb, le journaliste Ihsane El Kadi écope en juin 2023 de 5 ans ferme pour « financement étranger ». Ses médias Maghreb Emergent et Radio M sont mis sous scellées depuis décembre 2022.

Plusieurs autres organes de presse en ligne subissent le même sort, tandis que l’accès aux sites d’information critiques est fréquemment bloqué par les autorités. Une véritable traque silencieuse est engagée pour réduire au silence toute voix dissonante.

Une omerta d’Etat contre la liberté d’informer

Difficile dans ces conditions de barbelées pour la presse nationale de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir et d’informer en toute indépendance. Les journalistes les plus courageux se retrouvent empêchés d’exercer, quand ils ne sont pas jetés derrière les barreaux dans des conditions indignes.

Plutôt que de parsemer les médias d’aides financières à la marge, c’est tout l’écosystème autoritaire et répressif qui étouffe la liberté de la presse qu’il conviendrait de démanteler urgemment. Les annonces présidentielles apparaissent ainsi dérisoires et déconnectées face à l’ampleur de la crise.

Sans garanties structurelles d’indépendance des rédactions et de protection des reporters, la profession restera muselée. Seule une refonte du cadre légal liberticide permettrait de réellement libérer la parole journalistique. En un mot, de mettre fin à l’omerta d’Etat qui bâillonne insidieusement la presse algérienne.