Pourquoi le pourvoi en cassation d’Ihsane El Kadi aurait dû être accepté ? - Radio M

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Pourquoi le pourvoi en cassation d’Ihsane El Kadi aurait dû être accepté ?

Radio M | 02/12/23 15:12

Pourquoi le pourvoi en cassation d’Ihsane El Kadi aurait dû être accepté ?

Le journaliste, directeur de Radio M et de Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi, boucle bientôt une année en détention à la prison d’El Harrach. Le 12 octobre dernier, la Cour suprême a rejeté son pourvoi en cassation malgré la présentation d’un mémoire solide démontrant tous les vices de forme dans l’affaire du journaliste. 

Accusé de « réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande » et « pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au fonctionnement normal des institutions », sur la base de l’article 95 et 95 bis du code pénal, Ihsane El Kadi a été condamné en première instance à cinq ans de prison, dont trois ans ferme. Sa peine a été aggravée en appel passant à sept ans de prison, dont cinq ans ferme et deux ans avec sursis.

Le 12 octobre, la Cour suprême a, contre toute attente, rejeté le pourvoi en cassation introduit par les avocats du journaliste dans cette affaire et dans une autre affaire, dans laquelle il a été condamné à six mois de prison ferme. Dans cette seconde affaire, il est poursuivi par l’ancien ministre de la communication, Amar Belhimer, à cause d’un article de presse, jugé par les autorités comme pouvant porter « atteinte à l’unité nationale ». En violation de l’article 54 de la Constitution algérienne, qui stipule que « le délit de presse ne peut faire l’objet d’une peine privative de liberté », Ihsane El Kadi ne sera pas rejugé dans l’affaire de l’article d’opinion.

Violations flagrantes des procédures

En tant que cour qui juge du droit et non du fait, la Cour suprême aurait dû accepter les deux pourvois. Dans l’affaire du « financement », une multitude de violations aux droits ont été commises. Les avocats du journaliste ont présenté au juge un mémoire rigoureux et détaillé sur les vices des procédures commises dans cette affaire, qui ne pouvaient qu’être acceptées, selon eux, par la cour suprême. « Nous avions tous les arguments pour que la Cour suprême casse les deux arrêts au regard des violations manifestes de la loi, aussi bien en la forme que sur le fond, par les magistrats de la Cour d’Alger dans les deux affaires d’Ihsane El-Kadi », a affirmé Me Zoubida Assoul.

Le déroulement des audiences et les vices de procédures démontrent que l’affaire du « financement pour propagande » retenu contre le directeur de Radio M et de Maghreb Emergent, est une affaire éminemment politique, insidieusement déguisée sous couvert judiciaire. En effet, El Kadi a été arrêté chez lui à minuit par six agents de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), sans présentation des charges retenues à son encontre. Le lendemain de son arrestation, les locaux d’Interface Médias, société éditrice de Radio M et de Maghreb Emergent, ont été mis sous scellés sans autorisation du parquet. De plus, le journaliste a été maintenu en garde à vue pendant cinq jours dans les locaux de la caserne « Antar » (DGSI) sans qu’il soit interrogé.

« Son arrestation est arbitraire et le procès-verbal d’audition du 24 décembre est caduc, car ne comportant ni date, ni durée, ni accusation », a relevé son avocat Me Abdellah Heboul.

Autre violation grave dans cette affaire, la confirmation par la chambre d’accusation auprès la Cour d’Alger du mandat de dépôt contre Ihsane El Kadi, le 15 janvier 2023, sans la présence du prévenu ni de ses avocats. En effet, les avocats de la défense devaient plaider le 18 janvier mais la date de l’examen de leur demande de remise en liberté a été avancée sans qu’il en soit avisés.

De plus, le journaliste n’a pas eu droit à des procès équitables. Le procès en première instance du 26 mars 2023 a été boycotté par le journaliste. Cette décision avait été prise par Ihsane El Kadi et ses avocats suite aux déclarations du chef de l’Etat, Abdelmadji Tebboune à la télévision nationale le 24 février. Tebboune avait traité publiquement le journaliste de « khabardji » (informateur) alors que l’enquête judiciaire était toujours en cours.

Durant le procès en appel du 4 juin 2023, même le parquet avait reconnu que des violations de procédures ont été commises. Il a , cependant, rejeté toutes les demandes de la défense expliquant qu’il n’existe pas encore d’articles de loi pour la procédure d’annulation des poursuites en cas de violation des procédures convenues par la loi. Les avocats Saïd Zahi, Zoubida Assoul, Abdallah Haboul, et Baya Merad avaient soumis sept requêtes à la Cour concernant l’irrecevabilité et l’inconstitutionnalité de plusieurs articles du code de procédure pénale.

Actuellement, les avocats de la défense attendent le jugement de la Cour suprême justifiant le rejet de ces deux pourvois en cassation. « Ce qu’on peut dire c’est que les premières victimes dans ces deux affaires, bien avant Ihsane El Kadi, sont la loi et la justice, car ils n’ont pas dit le droit bien qu’il y avait toutes les raisons objectives de le faire sur la base des mémoires de cassation déposés par les avocats », soutient Me Assoul.