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Pour la première fois : Une rapporteuse de l’ONU rencontre des militants emprisonnés

Radio M | 02/12/23 18:12

Pour la première fois : Une rapporteuse de l’ONU rencontre des militants emprisonnés

Venue évaluer la situation des défenseurs des droits fondamentaux, Mary Lawlor, rapporteuse spéciale de l’ONU, a entamé un périple à travers prisons et tribunaux algériens. Son constat devait être édifiant.

Jeudi dernier, Mme Lawlor s’est ainsi rendue à la maison d’arrêt d’El Harrach, la principale prison d’Alger. Elle y a rencontré le lanceur d’alerte et ex membre de la LADDH , Noureddine Tounsi et Kamira Nait Sid, deux figures de l’activisme dissident jetées derrière les barreaux. 

Ancien responsable du département commercial du port d’Oran, M. Tounsi s’est illustré en dénonçant des affaires de corruption d’ampleur. Ce qui lui vaut, depuis 2020, une valse d’incarcérations et de procès – dont le dernier en date l’a condamné en novembre 2023 à deux ans ferme, alors qu’il avait été condamné dans la même affaire en 2021.

« La justice a déjà tranché cette affaire, M. Tounsi ne peut pas être rejugé deux fois pour les mêmes faits », plaide son collectif d’avocats, dénonçant une contradiction entre deux décisions de justice. Épuisé par ces persécutions judiciaires à répétition, il a entamé une grève de la faim illimitée. 

Kamira Nait Sid, co-présidente du Congrès Mondial Amazigh, a été condamnée à deux lourdes peines de prison dans deux affaires séparées reposant sur les mêmes chefs d’accusations « infondées » selon ses défenseurs. Détenue depuis août 2021, elle purge actuellement une peine de trois ans ferme, assortie d’une seconde sentence de deux ans ferme, le tout pour « atteinte à l’unité nationale et à la sécurité de l’Etat »ainsi que pour « appartenance à une organisation terroriste », le MAK en l’occurrence. Ces deux condamnations s’appuient abusivement sur l’article 87 bis du code pénal, qui prévoit des peines allant jusqu’à la perpétuité.

Ces entretiens carcéraux ont précédé une visite à Tiaret, où Mme Lawlor s’est entretenue avec un autre prisonnier d’opinion : Ahmed Manseri, président de la section Laddh au niveau de la wilaya de Tiaret officiellement dissoute. 

Autre étape-clé : la rapporteuse spéciale a fait savoir qu’elle « suivra[it] de près le procès demain [ce dimanche] de trois défenseurs des droits humains en Algérie ». 

Il s’agit du journaliste défenseur des droits humains Said Boudour, arrêté le 23 avril 2021 alors qu’il couvrait une marche du Hirak, placé depuis sous contrôle judiciaire, de la militante Jamila Loukil, interpellée chez elle 27 avril 2021, et du syndicaliste Kaddour Chouicha, appréhendé le même jour et tous deux placés en liberté. 

Accusé d’ « enrôlement dans une organisation terroriste », ce trio de militants pro-démocratie va comparaître avec une douzaine d’autres prévenus. En réalité, leurs seuls torts sont d’avoir osé critiquer pacifiquement le régime et dénoncé ses dérives autoritaires. 

Au total, une quinzaine de militants sont poursuivis dans cette parodie de justice, qui vise clairement à intimider l’opposition. A cet effet, le rapporteur des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, Clement Voule a exhorté ce samedi dans un tweet, les autorités algériennes « à ne pas utiliser les lois antiterroristes contre les défenseurs des droits de l’homme. »

Avec ces visites et ce monitoring judiciaire serré, Mary Lawlor compile un faisceau de preuves accablant sur la répression tous azimuts à l’œuvre en Algérie. Son verdict à l’ONU, en mars prochain, sera décisif.