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Débat télévisé avec les cinq candidats à la présidentielle: une première sans mordant

Ghada Hamrouche | 07/12/19 10:12

Débat télévisé avec les cinq candidats à la présidentielle: une première sans mordant

Le premier débat entre candidats à l’élection présidentielle de l’Histoire de l’Algérie s’est déroulé, ce vendredi 6 décembre 2019, au Centre international des Conférences (CIC) Abdelatif Rahal, à l’ouest d’Alger, et retransmis par l’ENTV et les chaînes privées était sans mordant. Animé par les journalistes Jalal Bouati (El Khabar), Ghania Oukazi (Le Quotidien d’Oran), Djilali Amari (ENTV) et Naziha Bélaidi (El Bilad TV), cette première en Algérie n’a pas connu de confrontation d’idées. Quatre axes ont été retenus pour le débat : politique, économie, social et polique extérieure. Ali Benflis, Abdelmadjid Tebboun, Azzeddine Mihoubi, Abdelkader Bengrina et Abdelaziz Bélaid ont eu, chacun, deux minutes pour répondre aux questions, trois minutes pour les deux dernières questions. Les cinq candidats se sont entendus à réviser la Constitution. Bélaid a promis d’organiser un référendum sur la question après l’organisation « d’un dialogue national ». Benflis a proposé d’oublier le passé et a salué « la révolution populaire » qui a sauvé l’Algérie « du naufrage ». « Je vais réunir la classe politique autour du projet de la révision de la Constitution pour une large consultation. Je propose un régime semi présidentiel, donc semi parlementaire. Le gouvernement doit être l’émanation de la majorité parlementaire. L’opposition aura toute la liberté de faire des propositions au sein du Parlement. Chaque semaine, le gouvernement rendra compte au Parlement », a promis Ali Benflis. Pour Bengrina, la nouvelle Constitution, qui sera votée par référendum, doit s’appuyer sur la Déclaration du Premier novembre et sur les exigences politiques du hirak du 22 février 2019. « Toutes les libertés collectives et industrielles doivent se retrouver dans cette Constitution comme la liberté de créer des partis, la liberté de manifester et la liberté de la presse. Un large débat sera ouvert sur la question. Il s’agit de consacrer un système semi présidentiel. Le président s’occupera des questions liées à la sécurité nationale, à la défense et à la politique extériure. Le Parlement aura un contrôle total sur le gouvernement et peut lui retirer sa confiance », a souligné Bengrina.

“La crise politique actuelle a montré les failles dans notre Constitution”

La prochaine Constitution doit, selon Mihoubi, être solide pour « vivre longtemps ». « La dernière secousse politique nous a appris qu’il faut doter le pays d’une Constitution qui consacre l’Etat des institutions, la République où tous les pouvoirs seront à égalité. Le pouvoir législative doit être éloigné de toute interférence. Le peuple sera consulté par référendum sur chaque question importante», a-t-il dit. Tebboun a évoqué son intention de réviser les lois sur les partis et sur le régime électoral qualifiant la Constitution de « mère des lois ». « Tout changement doit passer par la révision de la Constution. La crise politique actuelle a montré les failles dans notre Constitution. Il faut séparer entre les institutions. Certaines institutions apparaissent comme des coquilles vide comme l’APN », a-t-il dit. L’argent sale doit, selon lui, être totalement banni de l’action politique surtout en périodes électorales. « C’est une condition pour qu’il ait des forces politiques et une société civile pouvant encadrer la rue. Les derniers dérapages sont le produit d’une gouvernance collective, gouvernance de groupe. Les partis sont essentiels pour la société en matière politique », a-t-il relevé

Organiser les forces politiques

Benflis a parlé de mesures qu’il prendra pour lutter contre l’argent sale et contre « la personnalisation » du pouvoir. « L’argent de la corruption a pollué la vie politique dans le pays. Nous devons organiser les forces politiques et la société civile avec sérieux. Il faut codifier la relation entre l’argent et la politique dans une seule loi. Pour que l’action politique soit propre, il faut construire l’Etat des institutions », a-t-il souligné.Le rétablissement de la confiance entre le citoyen et les classe politique passe, selon Mihoubi, par la révision de toutes les lois (élections, partis et associations). « Les partis se sont affaiblis et sont devenus des réceptacle de l’argent sale et des pratiques d’entrisme dans les institutions de l’Etat.Cela a fait fuir les citoyens. Il faut revoir la structure des partis, reconstruire les partis sur de bonnes bases, mettre en avant ceux qui portent de vrais projets, des idées réelles, pas ceux qui ont des «relations on sont pistonnés », a-t-il plaidé. Le pouvoir a, d’après Bengrina, crée des partis en carton qui ne représentaient pas la société. « Des partis qui ont fraudé et qui ont violé la volonté du peuple. Les nouveaux médiateurs sociaux, économiques ou politiques doivent exprimer réellement la volonté du peuple, pas les voeux du gouvernant ou des cerlces du pouvoir », a-t-il précisé. Il a prévenu contre le régionalisme et contre «l’exploitation » politique des questions identitaires. Bélaid a promis, lui aussi, de revoir en profondeur la loi sur les partis « pour rompre avec les pratiques du passé » et a reproché à l’administration d’avoir utilisé la société civile comme un « porte-voix ». « L’argent sale et les pratiques de l’administration ont provoqué la démission du citoyen de l’action politique surtout la classe intellectuelle et les universitaires. Ils ont tué l’esprit du militantisme chez les algériens, chaque chose avait prix. Au su et au vu de tous, des voix étaient achetées à chaque élection. Des sièges étaient vendus à l’intérieur et en dehors des partis Il y a une autre maladie, celle du non respect des lois et l’impunité. Nous devons reconquérir la confiance dans les institutions », a-t-il plaidé.

Eloigner l’administration de l’organisation des élections”

Pour Tebboun, il n’existe pas d’Etat sans libertés. Il a promis de renforcer la liberté d’expression qui, selon lui, ne veut pas dire « liberté d’insulter ». Bengrina a promis de protéger la liberté de la presse et de préserver les droits de l’homme. Même promesse faite par Mihoubi qui a plaidé pour « un éloignement de l’administration de l’organisation des élections ». Selon lui, l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) est une garantie mais qui doit être « évaluée » en tant qu’expérience après la tenue des présidentielles. « Nous allons adopter d’autres mécanismes pour consacrer la pratique démocratique dans notre pays », a promis Mihoubi. L’ANIE, pour Bengrina, n’est pas suffisante. « Je propose l’élection par le Parlement d’une Autorité électorale indépendante qui s’occupera de toutes les opérations électorales. L’Autorité ne suffit pas, il faut une volonté politique réelle pour que les élections soient honnêtes », a-t-il dit. Bélaid va dans le même sens que Bengrina estimant que l’ANIE ne suffit pas. « Car, il existe encore des mentalités et des pratiques héritées de ces dernières années avec le non respect des voix du peuple. L’Instance électorale doit être élue. Les vieux réflexes persistent toujours, pensent toujours qu’il faut obéir à des ordres et suivre des orientations. Il faut des lois sévères et dissuasives. La justice doit être indépendante pour accompagner les opérations électorales. Le peuple, la société civiles et les votants doivent assumer leurs responsablités en contrôlant le scrutin », a souligné Bélaid.La création de l’ANIE est, pour Tebboun, un pas de géant. « Pour la première fois depuis l’indépendance, les élections se tiendront en dehors du ministère de l’Intérieur, c’est à dire des walis, des chefs de dairas et des président d’APC. La mission est assurée par des nationalistes qui sont l’émanation du panel (du dialogue), lequel est venu grâce au hirak. Cela dit, l’instinct de la fraude existe toujours. Il ne peut être combattu que par le peuple. Lorsque le peuple est soumis, sa voix fera l’objet de trafic. Un peuple vigilant empêche tout recours à la fraude », a soutenu Tebboun. La légitimité et la crédibilité d’une autorité politique, selon Benflis, dépend de « la pureté » de l’opération électorale. Il a précisé que les instruments pour consacrer un vote propre est la loi électorale et la loi sur les partis. « Il faut aussi une loi pour une nouvelle autorité indépendante des élections. Si je suis élu, je réunis la classe politique et les personnalités nationales pour élaborer les trois textes de loi. Tous les partenaires politiques doivent donner leur accord. La fraude tombera d’elle même », a noté Benflis.