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Covid-19 : “la situation risque de mener vers une nouvelle vague” (entretien)

Lynda Abbou | 23/06/21 13:06

Covid-19 : “la situation risque de mener vers une nouvelle vague” (entretien)

L’Algérie enregistre ces dernières semaines une hausse du nombre des cas de contamination au coronavirus. Des experts évoquent même la présence dans le pays d’un variant algérien da la Covid-19, alors que le ministère de la Santé appelle les citoyens à se faire vacciner.

En réponse aux questions de Radio M, le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), fait le point sur la situation sanitaire en Algérie. Entretien.

L’Algérie enregistre depuis quelques jours une hausse du nombre des cas de contamination au coronavirus. Quel constat peut-on faire de la situation sanitaire ?

La situation sanitaire est pour le moins inquiétante avec une recrudescence relevée des nouveaux cas atteints de la Covid-19.  La courbe de la pandémie est en constante ascension depuis un mois et demi. On est passé d’une moyenne de 150 nouveaux cas par jour au début du mois de mai à plus de 350 cas (par jour) actuellement.

Ces chiffres officiels reflètent-ils la réalité de la crise sanitaire dans le pays ? 

Parallèlement de ces chiffres officiels annoncés par le ministère de la Santé, et qui demeurent loin de la réalité du niveau des contaminations, il y’a un autre élément d’appréciation plus objectif qu’est le constat que nous faisons, quotidiennement, en tant que médecins au niveau des différentes structures sanitaires. En effet, nous constatons une augmentation du nombre de malades et de cas suspects lors des consultations et au traitement des urgences qui, au final, atterrissent dans différents services hospitaliers réservés aux malades contaminés par la Covid-19 et au niveau des unités de réanimation qui arrivent à saturation. Une situation qui risque de se compliquer durant les semaines à venir, annonçant une nouvelle vague de la pandémie en Algérie.

Justement, quelles sont les raisons de cette flambée de cas de Covid-19 ?

Il est difficile de donner une réponse exhaustive lorsqu’il s’agit de situer les causes de la flambée de la pandémie chez nous, du fait que plusieurs facteurs conjugués peuvent expliquer cette évolution péjorative de la situation sanitaire.  

L’élément essentiel serait à mon sens le non-respect des mesures barrières au niveau personnel (port de bavette, distanciation physique et hygiène des mains), sans oublier le relâchement relevé dans la mise en place et le respect des différents protocoles sanitaires propres aux secteurs et activités (commerces, transports, administrations …). Le recul constaté dans le travail de sensibilisation et d’éducation sanitaire, les visites familiales à l’occasion des fêtes de l’Aid El Fitr, l’organisation des fêtes et le non-respect des consignes sanitaires pour les cérémonies d’enterrement malgré toutes les recommandations des professionnels de la santé, sont aussi à l’origine de cette flambée. Mais en plus de tout ça, il y a eu l’apparition de nouvelles souches (variants) du virus SARS-COV II, tel que le Britannique,  le Nigérian et l’Indien connus pour leur forte contagiosité.

Des experts évoquent la présence dans le pays d’un variant algérien du Covid-19…

Il faut savoir que lorsqu’on évoque la détection d’un variant du virus, il s’agit en fait d’un travail de séquençage (fractionnement du patrimoine génétique du virus) sur des échantillons de virus SARS-COV II isolés chez des personnes. Le seul laboratoire accrédité par l’OMS et doté en moyens techniques pour le faire étant l’Institut Pasteur d’Algérie et cette institution de référence nationale et internationale n’a pas fait état de l’existence d’un variant algérien du virus. Le plus important à mon sens n’étant pas dans l’identification des nouveaux variants qui continueront de circuler et de muter car c’est dans leur nature, mais de revenir à l’essentiel : respect des mesures barrières et application stricte des protocoles sanitaires tout en reprenant le travail de sensibilisation en direction des citoyens sur les dangers de la maladie et l’intérêt de la vaccination.

Où en est l’Algérie précisément, avec cette campagne de vaccination ?

La campagne de vaccination peine à s’installer dans l’espace public et sanitaire (professionnel) du fait des réticences induites par la polémique sur la sécurité des vaccins contre la Covid-19 au début notamment, mais aussi en raison de l’insuffisance des quantités réceptionnées par les structures de santé qui se trouvent du coup, incapables de répondre aux besoins énormes estimés à quelques 18 millions d’Algériens.

Depuis deux semaines, nous constatons que des quantités assez conséquentes sont distribuées. Nous espérons que ce rythme soit préservé pour pouvoir dispenser l’acte vaccinal pour tous les citoyens candidats. Une opération pilote a été lancée la semaine passée dans plusieurs villes du Nord notamment, avec pour but l’accélération de la vaccination de masse, augmenter la cadence de cette activité et permettre la réalisation des objectifs de la campagne dans des délais acceptables sur le plan épidémiologique. Enfin, il faut savoir que les recommandations du Comité d’experts prévoient la vaccination d’au moins 60 à 70 % de la population.