Dimanche dernier, le président de la République, Abdelamdjid Tebboune, a fait sa première apparition publique en image via son compte Twitter personnel, après près de deux mois d’un blackout qui a semé l’inquiétude en Algérie. Une absence causée par sa maladie (positif à la covid-19), suivie de son transfert en urgence le 28 octobre 2020 dans un hôpital spécialisé en Allemagne.

Sans s’attarder sur le fond de la communication du chef de l’Etat, publiée, la diffusion d’une vidéo de près de 5 minutes sur un compte Twitter personnel, après une absence de 45 jours à l’étranger reste une première dans les annales de la communication de la Présidence.

Le choix fait par Tebboune et son entourage de faire d’un réseau social un support médiatique pour s’adresser aux algériens, a ouvert le champ à bon nombre d’interrogations, tant les us et coutumes de la communication institutionnelle en Algérie, nous ont habitués à des interventions plutôt “carrées” et aseptisées, diffusées via les canaux officiels traditionnels, à savoir la télévision publique et les communiqués de presse publiés par l’agence de presse officielle (APS).

Et c’est justement via un communiqué publié le 28 décembre 2019, suite à l’investiture de Abdelmadjid Tebboune, que la Direction de la presse et de la communication de la Présidence de la République, avait indiqué que “l’information officielle est rendue publique à travers des communiqués de la Présidence de la République publiés par l’Agence Algérie presse service (APS) et que toute information rapportée en dehors de ce canal est à classer dans la case de la propagande et la désinformation“.

Cela étant dit, qu’est ce qui explique donc qu’une telle entorse soit faite aux règles de base établies par El Mouradia. Un vent d’innovation soufflerait-il sur les vieux dogmes de la communication présidentielle ou s’agit il tout simplement d’un “calcul politique” ?

Interrogé par la rédaction de Radio M, Lahouari Addi, professeur émérite en sociologie, pense que l’entourage de Abdelmadjid Tebboune “a opté pour Twitter vu le format assez c’est court de l’intervention du chef de l’Etat.” Selon lui, “Une allocution télévisée aurait été plus longue“.

Sur le fond, Lahouari Addi, estime que “le président est vraiment malade. A travers cette apparition, il est clair que l’on veut rassurer les gens.” Il déplore par ailleurs, le fait que la maison du pouvoir soit si hermétiquement fermée, qu’il est pratiquement impossible de savoir ce qui se trame chez les décideurs”.

De son côté, et bien qu’il ne semble pas convaincu par le retour prochain du Premier magistrat du pays aux affaires, Akram Kherief, journaliste et éditeur du site spécialisé Mena Défense, estime que la tournure des évènements “est plutôt intrigante, car cela révèle un désaccord dans la gestion de la communication du président et une défaillance des canaux classiques”.

Un choix inédit !

Même si Twitter reste le support médiatique les plus apprécié des chefs d’Etat et autres officiels, à l’instar de Donald Trump qui en a fait un excellent outil de propagande, Abdelamdjid Tebboune semble avoir été conseillé de près, afin qu’il privilégie ce canal de communication, pour relayer son intervention audiovisuelle. D’aucuns diront que le choix de Twitter peut s’expliquer par des circonstancies extraordinaires, impliquant que le message du président s’adresse autant à l’étranger qu’à l’Algérie.

C’est du moins, l’avis de l’expert en communication, Lotfi Madani, pour qui la réponse à cette question implique deux grilles de lecture : la première, c’est que Tebboune semble vouloir s’adresser aux chefs d’Etat étrangers, mais également à la presse internationale.

La seconde serait liée au choix d’un compte personnel et non institutionnel. En effet, l’expert avance la théorie selon laquelle Tebboune cherchait à faire passer un massage fort aux institutions de l’Etat et aux “mains invisibles” qui, semble-t-il, s’activaient dans les coulisses pour préparer un scénario de départ avant l’heure du président. D’où le choix de passer outre les organes médiatiques nationaux de référence (ENTV et APS), par esprit de méfiance !

Mais qu’en est-il de l’hypothèse du “cavalier seul” ? Pour Lahouari Addi, c’est une piste à écarter d’emblée, car selon lui, “Tebboune ne prend aucune initiative tout seul”.

Dans cette quête de vérité et de réponses sur les tenants et les aboutissants de l’absence prolongée du président, une question corollaire mérite d’être posée : qui s’est chargé de filmer chef de l’Etat ?

Pour Akram Kherief, la télévision publique ENTV “n’a pas pu prendre une vidéo du président ou que les images n’étaient pas montrables sur écran et que quelqu’un dans l’entourage de Abdelmadjid Tebboune avait décidé de procéder tout de même en faisant une vidéo avec un téléphone portable, l’oreillette de téléphone iPhone tend a le prouver“.