Sofiane Chouiter : ‘’L’Algérie pourrait être accusée de crimes contre l'humanité dans l'affaire Chetouane’’ - Radio M

Radio M

Sofiane Chouiter : ‘’L’Algérie pourrait être accusée de crimes contre l’humanité dans l’affaire Chetouane’’

Radio M | 04/04/21 22:04

Sofiane Chouiter : ‘’L’Algérie pourrait être accusée de crimes contre l’humanité dans l’affaire Chetouane’’

Dans cet entretien, l’avocat algérien établi au Canada, Me Sofiane Chouiter estime que le recours systématique et généralisé à la torture relève de crime contre l’humanité.

Le jeune activiste Said Chetouane affirme avoir été violenté et abusé sexuellement par des policiers, qu’en dites-vous ?

Ce n’est pas la première fois que des activistes du Hirak font ce genre de révélations. Les allégations de torture et d’autres mauvais traitements inhumains et dégradants sont régulièrement signalées par des activistes. Ces pratiques sont illégales et contraires aux engagements internationaux pris par l’Algérie en matière de défense et de promotion des droits de l’homme. Il faut des enquêtes impartiales soient diligentées pour faire la lumière sur ces graves allégations. La multiplication des révélations rend la situation inquiétante. Chacun de nous doit se sentir concerné par ces violations des droits de la personne humaine. Violenter et abuser sexuellement d’un adolescent par des agents de l’Etat est un acte d’extrême gravité. Ce mineur est censé être protégé par la loi algérienne, les conventions sur les droits de l’enfant et la convention contre la torture que l’Algérie a ratifiées.

Sommes-nous devant des cas qui relèvent d’actes isolés ou plutôt d’une pratique généralisée ?

Vu le nombre de cas recensés jusqu’au là, nous pouvons dire que nous sommes loin des actes isolés. Des cas sont signalés à Alger, Tipasa, Relizane, Constantine, Bordj Bou Arreridj, Mostaganem, Mascara et autres. Deux corps de sécurité à savoir la police nationale et la DGSI sont pointés du doigt. Ces éléments nous laissent penser que le recours à la torture est devenu malheureusement, systématique. Ainsi, on n’est pas loin des crimes contre l’humanité.

Selon vous, le gouvernement algérien pourrait être accusé de crime contre l’humanité ?

La pratique de la torture par des agents de l’Etat à une grande échelle et en toute impunité relève des crimes contre l’humanité. Ce qui se passe en Algérie peut être qualifié de crime contre l’humanité.

La cellule de communication de la sûreté de wilaya d’Alger annonce dans un communiqué l’ouverture d’une enquête sur cette affaire. Cette démarche est-elle suffisante ?

Elle n’est pas suffisante. Le procureur aurait dû confier cette enquête à la gendarmerie nationale pour lui donner une certaine crédibilité. Demander à des policiers d’enquêter sur leurs collègues n’est pas crédible à mes yeux. En outre, l’adolescent doit être interrogé par des spécialistes dans le domaine qui relève de cette affaire et non par agents ordinaires.

Les instances internationales seront-elles saisies sur cette affaire ?

Nous n’arrêtons pas de documenter les cas de violations graves des droits de l’homme en Algérie. Nous avons déjà déposé des requêtes sur des cas de torture et nous continuons à le faire. Nous comptons saisir tous les mécanismes de protection des droits de l’homme et l’ONU et autres.

Que voulez-vous dire par autres ?

Les mécanismes régionaux de protection des droits de l’homme, les Etats, les ONG et les parlements.

Comment peut-on prouver que l’acte de torture s’est réellement produit ?

Votre question m’amène à rappeler que la déontologie médicale oblige les médecins à signaler à la justice tout acte de torture constaté. Il faut que les médecins appliquent la loi. Les médecins ont une responsabilité dans la lutte contre la torture. C’est à eux de délivrer les certificats médicaux prouvant l’existence ou non des actes de torture. Les avocats doivent également déposer des plaintes à chaque fois qu’ils reçoivent des informations sur des cas de torture.