Scandaleux : des médias inquisiteurs "condamnent" Walid Nekiche au nom de la "loi des services de sécurité " - Radio M

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Scandaleux : des médias inquisiteurs “condamnent” Walid Nekiche au nom de la “loi des services de sécurité “

Lynda Abbou | 02/02/21 20:02

Scandaleux : des médias inquisiteurs “condamnent” Walid Nekiche au nom de la “loi des services de sécurité “

Après 14 mois de détention « provisoire », de « torture », d’« agression sexuelle par les services de sécurité », d’un réquisitoire exigeant la prison à perpétuité et d’un lynchage médiatique, le jeune étudiant Walid Nekiche a été cloué au pilori par certains médias.

Walid Nekiche aura finalement été condamné sur la place médiatique et « acquitté » par le tribunal ! Des professionnels de l’information ont expliqué à Radio M que la plupart des entreprises de presse obéissent aux ordres d’un « clan ou d’un autre » au sein du pouvoir algérien, notamment la partie « services de sécurité. « Ce qui s’est passé avec Walid Nekiche est donc une suite logique » nous ont-ils expliqué.

« Tout le monde connaît la police politique et son rôle dans le contrôle de la société en empêchant le débat politique de s’installer. Mais il y a aussi la police médiatique », a signalé le journaliste Mohammed Iouanoughane à Radio M.

D’après lui, les médias algériens vivent tous dans l’illégalité aujourd’hui, puisque la loi sur l’information de 2012 et la loi sur l’audio-visuelle sont gelées. Donc la seule loi qui détermine les règles de la profession journalistique selon lui, est « la loi des services de sécurité » !

Pire encore, le journaliste note que la situation s’est envenimée au « point où les rédactions sont rattachées directement à ces services dont les responsables et agents, ont tissé des relations personnelles avec la majorité des patrons de presse pour transformer les services de sécurités en services privés. Beaucoup de patrons de presse aujourd’hui ont leur place en prison » s’est il indigné.

Contacté par Radio M, le professeur en sciences de l’information et spécialiste des médias, Redouane Boudjemaa, a souligné que la structure chez les entreprises de médias a fait que ces dernières servent un clan du pouvoir ou un autre, pour des considérations économiques dont la publicité. Pour lui ces entités font de la communication institutionnelle et non du journalisme.

Le professeur reproche aussi aux journalistes le fait qu’ils font du « journalisme à charge et à décharge ». D’après lui, les journalistes jouent soit le rôle de l’avocat soit celui du procureur ! Or leur rôle est de rapporter, écrire, et raconter en toute objectivité. « Ce qui s’est passé dans l’affaire de Nekiche est scandaleux mais c’est aussi une suite logique (à la situation) », a expliqué Redouane Boudjemaa.

Quant à l’avocat et défenseur des droits humains, Abdelghani Badi, il avait déclaré de son côté à Radio M, qu’un citoyen algérien faisant l’objet de tout dépassement ou atteinte de la part des médias a le droit de recourir à la justice, citant la loi organique de 2012. D’après lui, les dispositions de ce texte font référence à la poursuite des journalistes et des médias qui violent la déontologie de la profession par la diffamation ou l’insulte, voire les préjugés.

L’avocat estime qu’il est nécessaire que chaque victime des médias recourt à la justice, pour mettre fin à ces violations immorales du travail médiatique.

Enfin, l’avocate Nassima Rezazgui a été plus « radicale » à propos de ces pratiques, « à mon avis, les pseudos journalistes qui ont diffamé Walid Nekiche et ont publié de fausses informations devraient être arrêtés et poursuivis » a-t-elle déclaré à Radio M.

Pour rappel, l’étudiant avait été arrêté le 26 novembre 2019 durant la marche hebdomadaire des étudiants est poursuivi par les articles 70 alinéa 2, 77 alinéa 1, 78, 79 et 96 du code pénal.

Il était poursuivi pour « participation à un complot pour inciter les citoyens ou les habitants pour prendre les armes contre l’autorité de l’Etat et organisation d’une manière secrète de communication à distance dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale », « atteinte à la sécurité et l’unité nationale » et « distribution et possession de tracts pour porter atteinte à l’intérêt du pays ».

Walid Nekiche est condamné uniquement sur la base d’accusation de « distribution et possession de tracts dans le but de porter atteinte à l’intérêt national » et acquitté des autres accusations après la délibération du jury. A cet effet, il a été condamné à six mois de prison ferme et une amende de 20.000 dinars par le tribunal de Dar El Beida à Alger et a quitté la prison ce mardi 02 février 2021.