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Procès des jeunes Tadjadit, Khimoud et Benrahmani : Retour sur un jugement aux relents politiques

Lynda Abbou | 14/01/21 22:01

Procès des jeunes Tadjadit, Khimoud et Benrahmani : Retour sur un jugement aux relents politiques

Les trois jeunes détenus d’opinion, Mohamed Tadjadit, Nourreddine Khimoud et Abdelhak Benrahmani, connaîtront leur sort judiciaire jeudi prochain.

En attendant, leur procès a enfin eu lieu. Ils comparaissaient ensemble, ce jeudi, au tribunal de Bab El Oued (Bainem), en présence d’une vingtaine d’avocats, qui ont plaidé dans une salle d’audience presque vide.

A peine arrivée au tribunal, l’équipe de Radio M a d’emblée été empêchée de couvrir le procès malgré la présentation de cartes de presse. Les forces de l’ordre invoquant une instruction pour interdire l’accès à la salle d’audience. Il aura fallu passer par le procureur de la République principal pour pouvoir démêler la situation et accéder enfin au prétoire.

La pendule affichait midi et demi ! Les plaidoiries avaient déjà commencé.

Dans la salle, seuls les avocats et quelques membres des familles des détenus, ainsi que des policiers répondaient présents. Les citoyens qui, par esprit de solidarité ou par sympathie, s’étaient rendus au tribunal, ont été interdits d’assister à l’audience censée, pourtant, être publique. Restés donc à l’extérieur, ils n’ont pas pu s’empêcher de scander des slogans propres au Hirak, avant d’être repoussés par les forces de l’ordre.

Une fois dans la salle, point de détenus à la barre ! Il a fallu du temps pour distinguer trois silhouettes sur un petit écran d’ordinateur, à la droite du juge ! Les enfants de l’Algérie sont jugés à distance, par visioconférence.

« Excès de zèle » de la police judiciaire vis-à-vis du parquet

A 16h00, heure à laquelle les plaidoiries venaient de prendre fin, l’appel vidéo a été coupé cinq fois, depuis leur début à midi et demi, à cause de la mauvaise qualité du réseau. Une situation d’ordinaire anecdotique, mais c’est sans compter sur Me Tarek Merrah qui a en fait toute une plaidoirie.

L’avocat a qualifié le jugement de « procès non équitable », car il estime que les conditions d’un tel procès jugement n’étaient pas réunies, puisqu’il n’arrivait même pas à voir les accusés. «C’est comme si que je les vois à travers le trou d’une serrure » a-t-il dit.

Puis Me Mustapha Bouchachi hérite de la parole. Ecouté solennellement par l’assemblée présente, il a dénoncé ce qu’il a appelé « l’excès de zèle » de la police judiciaire (PJ) vis-à-vis du parquet. D’après lui c’est la PJ qui a qualifié les accusations. « C’est inadmissible », clame-t-il. « Vous êtes les procureurs de la République et non les procureurs du pouvoir. Les citoyens ne se sentent plus en sécurité dans les salles d’audience et ce n’est pas normal » a surenchéri l’avocat.

Et d’enchaîner : « c’est la police judiciaire sous ordres politiques qui poursuit ces jeunes aujourd’hui ». « Parler de la légitimité d’Abdelmadjid Tebboune est une position politique et non une atteinte à l’image du président ! » a-t-il plaidé.

Bouchachi a notamment fait savoir que si les corps constitués cités dans l’affaire jugée n’ont pas déposé plainte contre les trois jeunes , le parquet n’a pas vocation à s’autosaisir. Une position partagée par l’avocate Zoubida Assoul.

Absence de plaintes

Me Assoul ,justement, a expliqué lors de sa plaidoirie, que s’il y a atteinte, les parties concernées n’ont qu’à déposer plainte, même s’il s’agit du ministère de la Défense nationale (MDN). La défense a souligné que, selon la loi, seul le président de la République peut ne pas déposer plainte. Alors, «  Qui a nommé le parquet à la place des victimes ?! » se sont interrogés d’autres avocats.

De son côté Me Ali Fellah Benali, a signalé que « la junte militaire algérienne qui est habituée à la répression, s’est retrouvée face à un peuple pacifique. Elle a donc choisi de le réprimer à travers la justice. Soit on vit au rythme des bruis de bottes, soit on a affaire au code pénal » a-t-il ironisé.

Il est à rappeler que les détenus sont poursuivis dans le même dossier et pour les mêmes accusations, quasiment, qui sont liées essentiellement à des publications sur Facebook : « Affichage de publications de nature à porter atteinte l’unité nationale », « incitation à attroupement non armé », « attroupement non armé », « mise en danger de la vie d’autrui en appelant à un rassemblement pendant la période de quarantaine », « offense au président de la République », « outrage à corps constitués », « atteinte à l’unité et à la sécurité nationales », « publication de nouvelles susceptibles de nuire à l’ordre public et à la sécurité publique », « publication de discours de haine comprenant un appel à la violence » et « discrimination et propagation du discours de haine en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».