Procès d’Alger : Ahmed Mazouz, Fares Sellal et l’argent de la campagne de Bouteflika - Radio M

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Procès d’Alger : Ahmed Mazouz, Fares Sellal et l’argent de la campagne de Bouteflika

Radio M | 05/12/19 15:12

Procès d’Alger : Ahmed Mazouz, Fares Sellal et l’argent de la campagne de Bouteflika

Le procès des deux anciens Premiers ministres Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, des ex-ministres de l’industrie Youcef Yousfi, Bedda Mahdjoub, Abdesselam Bouchouareb (en fuite) et des hommes d’affaires Ahmed Mazouz, Hassan Arbaoui, Ali Haddad, Mohamed Bairi s’est poursuivi, ce jeudi 5 décembre, au tribunal de Sidi M’Hamed, à Alger. Vers 10 h 20 Le juge appelle à la barre l’homme d’affaire Ahmed Mazouz en premier pour lui dire qu’il est poursuivi pour, entre autres, « blanchiment d’argent, obtention d’indus avantages et financement occulte de campagnes électorales » (de Abdelaziz Bouteflika). « Nous avons trouvé 493 milliards centimes dans un compte avec un mouvement de 128 milliards de centimes », annonce le juge. « C’est mon compte personnel, mes bénéfices dans la société, j’ai tout ce qui prouve cela. Mes avoirs sont plus importants que cela. », répond Ahmed Mazouz. Le juge l’interroge sur une villa située à Dely Brahim, à Alger. Le prévenu dit l’avoir achetée.  « Vous avez aussi des biens et des véhicules au nom de votre épouse que vous n’avez pas déclaré. Pouvez-vous préciser l’origine de ces biens ?  », interroge-t-il. Il menace de les saisir. « Je suis commerçant depuis 1987 et tout ce que j’ai réalisé est le fruit de mon labeur », réplique l’homme d’affaire. Le juge parle des fonds transféré à l’étranger. « J’ai envoyé des sommes d’argent à mon épouse pour couvrir les frais d’hospitalisation de ma fille. Je n’ai pas transféré illégalement des capitaux à l’étranger », répond-t-il.

Un chèque de 39 milliards de centimes pour la campagne de Bouteflika

Ahmed Mazouz confie avoir contacté Mohamed Bairi, patron du groupe Ival, pour savoir comment financer la campagne électorale de Abdelaziz Bouteflika (pour le cinquième mandat avorté). « Je ne savais pas comment faire. Je me suis déplacé au siège du FCE (Forum des Chefs d’entreprise) où j’ai remis un chèque de 39 milliards de centimes à Ali Haddad à retirer de Fransabank el Djazair à Alger », détaille-t-il précisant avoir des liens de parenté avec Mohamed Bairi. « Ce que vous avez fait est illégal », lance le procureur. Le juge rappelle que Ahmed Mazouz a obtenu l’agrément pour le montage véhicule après avoir financé la campagne de Bouteflika. Ahmed Mazouz, qui rappelle qu’il importe les pièces de rechange de véhicules depuis 1991, dit avoir été exclu lors de l’élaboration de la liste des opérateurs autorisés à assembler des véhicules en Algérie. « Ils ont préparé un cahier de charges sur mesure. On m’a exclu, j’ai fait un recours. Après, on m’a retenu en 2018. J’étais le seul en Algérie à faire le montage de bus. En 2004, j’ai déposé un dossier pour une unité de montage de tracteurs », lance-t-il. Ahmed Ouyahia est auditionné par le juge sur ses liens avec le patron du groupe GM Trade. Aifa Ouyahia, frère de l’ex-Premier ministre, intervient pour dire qu’Ahmed Ouyahia est entendu comme témoin dans ce dossier. Ouyahia confirme avoir autorisé Mazouz à créer une unité de montage. Le juge lui rappelle qu’il a demandé à Youcef Yousfi, alors ministre de l’Industrie et des Mines, d’exempter de Mazouz de l’obligation d’avoir un partenaire étranger dans son projet pendant une année.

Yousfi : « j’ai refusé d’appliquer l’instruction d’
Ouyahia »

Youcef Yousfi est appelé à la barre et déclare : « j’ai reçu une note de Ouyahia me demandent de dispenser Mazouz de l’obligation d’avoir un partenaire étranger dans son projet. J’ai refusé d’appliquer la note parce que je voulais que le partenaire étranger soit présent. C’est la raison de mon conflit avec Ouyahia. Je n’ai jamais rencontré  M. Mazouz qu’au moment de la visite de son usine à Sétif ». « Yousfi a refusé le dossier de Mazouz, moi, je l’ai accepté. Je lui ai donné l’autorisation d’une année en raison de la bureaucratie de l’administration», confirme Ouyahia. Le juge évoque alors les indus avantages accordés à Mazouz. Un ex-directeur du ministère de l’Industrie, auditionné par le juge, précise que la commission technique du ministère « n’a pas étudié le dossier de Mazouz ». Yousfi révèle qu’une proposition a été faite pour amender le cahier de charges aux fins de réduire la part du partenaire étranger à 10 %. Le juge intervient et pose la question à Ahmed Ouyahia : « pourquoi le dossier de l’usine de Peugeot n’est pas passé par le comité d’évaluation du ministère de l’industrie » ? ». « C’est une affaire interne au ministère de l’Industrie », répond Ouyahia. Selon lui, le Conseil national d’investissement a accordé des avantages à la liste des 5 + 5 (les opérateurs autorisés à monter les véhicules en Algérie) avantages avant son arrivée à la Primature. « Le représentant du président de la République (au CNI) et le ministre des Finances étaient au courant », souligne-t-il.

Le fils de Sellal associé au groupe Mazouz sans contrepartie

Le juge ouvre alors le dossier du rapport entre Ahmed Mazouz et Fares Sellal, fils d’Abdelmalek Sellal. Le procureur de la République : «Fares Sellal est actionnaire de votre groupe à hauteur de 23 %. Il s’est associé à vous sans aucune contrepartie. Il était PDG du groupe ». Mazouz répond : « Je ne suis pas au courant. Fares Sellal était ami. Il s’est associé à moi. Je n’ai reçu aucun avantage ni de lui ni de son père ». Le juge rappelle que Fares Sellal a obtenu 9 milliards de centime avant de quitter le groupe. « C’est la valeur des bénéfices », répond Fares Sellal. Le juge pose la question : «Des avantages ont-ils été accordés au groupe de Mazouz parce que vous êtes son partenaire et votre père est Premier ministre ? ». « Moi, Fares Sallel je n’ai bénéficié d’aucune agrément. Je n’ai rien pris même lorsqu’ils ont cédé les usines de l’Etat au dinar symbolique ». Le juge revient à la charge : « je vous ai posé une question claire, répondez » ! « Je n’ai rien pris », réagit Farès Sellal. « Je ne parle plus à Fares Sellal depuis 2016 avant qu’on se rencontre au niveau de la gendarmerie », confie Mazouz. Le juge appelle ensuite Abdelmalek Sellal qui dit n’avoir accordé aucun privilège à Mazouz. Le procureur de la République rappelle que Mazouz a bénéficié de l’autorisation d’ouvrir une unité de montage de véhicules sans fondement légal et sans évaluation technique. “Et vous dites que vous êtes exclus, marginalisé. Vous êtes cités dans une affaire qui a coûté à l’Etat 29 milliards de dinars », soutient le représentant du ministère public.  L’agrément donné (le 16 avril 2018) à Mazouz est-il lié au fait que votre fils est partenaire dans le projet ? s’adresse le juge Abdelmalek Sellal.  Sellal dit avoir quitté le gouvernement en 2017 alors que « le dossier » de Mazouz a été validé par le gouvernement en 2018 (Ahmed Ouyahia). « Mon fils a été recruté par le groupe Mazouz pour bénéficier de son expertise puisqu’il est diplômé en commerce de l’université d’Oxford. Quand je l’ai appris, je lui dis : « sois patriote, compte sur Dieu et ne travaille pas dans le secteur étatique », indique l’ancien Premier ministre.