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Observatoire de la « société civile » : quand le pouvoir est en quête d’une base politique

Radio M | 22/11/22 09:11

Observatoire de la « société civile » : quand le pouvoir est en quête d’une base politique

Organisées sur deux jours, mardi et mercredi derniers, sous le thème « la société civile, socle de l’édification de l’Algérie nouvelle », les assises nationales de la « société civile » se sont achevées avec une série de recommandations qui prennent les allures d’un projet politique qui ne dit pas son nom.  

Par Meziane Isli

Si l’événement semble être passé inaperçu auprès de l’opinion, pour les autorités, en revanche, il était entouré de tous les égards : Intervention du Premier ministre, couverture médiatique et mobilisation de moyens logistiques, dont la réservation d’un site cossu pour la tenue de ces assises.

On sait très peu de choses sur la qualité des participants, les associations qu’ils représentent et le niveau de leur ancrage. On sait seulement qu’ils étaient 700 participants sur une centaine de milliers que compte le mouvement associatif national.

Sur quels critères ont-ils été choisis et dans quelles activités interviennent-ils ? Mystère et boule de gomme. « On n’a été ni invité, ni contacté. Personnellement, j’ai eu l’information à travers les médias », assure Nafissa Lahrech, présidente de l’association « femmes en communication ».

« On n’a pas été invité. Mais, il faut un consensus de tout le monde, l’avis de tout le monde. On n’exclut pas ceux qui s’opposent », affirme, pour sa part, Abderrahmane Arrar, président du forum civil pour le changement.

Mais, à la vérité, ils ne sont pas les seuls. Elles sont des centaines d’associations à travers le territoire national dont certaines, à la réputation établie grâce à leur activisme et leur présence sur le terrain, à n’avoir pas été invitées. C’est le cas, par exemple, des ligues des droits de l’Homme, les syndicats autonomes ou encore les associations féministes.

Couronnement de plusieurs mois de rencontres régionales, ces assises de l’observatoire national de la société civile, organe consultatif placé auprès du Président de la République, étaient destinées à émettre des avis et recommandations relatives aux préoccupations de la société civile, comme le stipule l’article 213 de la Constitution portant création de cet organisme mis en place il y’a une année et dirigé par le commandant général des scouts musulmans, Abderrahmane Hamzaoui.

En vertu de cet article, l’observatoire contribue à la « promotion des valeurs nationales et la pratique démocratique et citoyenne et participe avec les autres institutions à la réalisation des objectifs de développement national ».

Durant les deux jours, les participants ont souligné, selon le compte rendu de l’agence officielle,  le « rôle axial de la société civile dans l’édification de l’Algérie nouvelle et ses fondements sous-tendant la moralisation de la vie publique, la réforme du système de gestion pour une bonne gouvernance, la réalisation de la croissance économique basée sur l’innovation et la création de la richesse, mais aussi le renforcement de la place de l’Algérie sur le plan international ». Tout un programme politique, en somme.

Dès lors, la question est de savoir si cet organisme, dont la composante et les attributions sont fixés par le Président de la République, ne se décline pas comme l’antichambre et prélude à la construction  d’une base politique et sociale pour le régime.

En déficit de légitimité, privé de ses soutiens traditionnels devenus encombrants, notamment le RND et le FLN et autres organisations moribondes, à l’image de l’UGTA, rejetés par le mouvement populaire, le régime, dans son entreprise de reconstitution, semble en quête de nouveaux relais et d’une nouvelle clientèle susceptibles de porter sa politique et ses choix d’autant qu’il sera confronté à des échéances importantes dont la présidentielle prévue dans deux ans.

On se rappelle qu’au lendemain de son élection, Abdelmadjid Tebboune a affiché sa préférence pour la « société civile », histoire de se défaire de la classe politique en ordonnant des facilitations pour la création d’associations et de comités locaux. Après une expérience infructueuse avec la nébuleuse « massar el djadid », le régime a même encouragé des « candidatures indépendantes et jeunes » lors des législatives en accordant des financements à leurs campagnes électorales.  

«La société civile, toutes obédiences confondues, constitue une aubaine pour mettre en place une élite à travers l’exploitation des dénominateurs communs pour parvenir à un véritable consensus », a estimé lors des assises, Abdelmadjid Chikihi, conseiller d’Abdelmadjid Tebboune.

L’observatoire, qui prévoit des démembrements locaux, semble même répondre aux attentes de ses promoteurs puisqu’il n’évoque en aucun cas, la situation des libertés, encore moins les déboires et entraves auxquelles sont confrontés les syndicats autonomes et autres associations qui ont maille à partir avec la justice. Réussira-t-il dans sa mission ? « Ça ne va pas servir la société civile. Il y’a un grand recul sur le terrain, notamment au plan des libertés », soutient Abderrahmane Arrar.