Noureddine Khelassi, conseiller du ministre de la Communication : «des réseaux mafieux se sont constitués autour de l'ANEP" - Radio M

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Noureddine Khelassi, conseiller du ministre de la Communication : «des réseaux mafieux se sont constitués autour de l’ANEP”

Ghada Hamrouche | 03/05/20 15:05

Noureddine Khelassi, conseiller du ministre de la Communication : «des réseaux mafieux se sont constitués autour de l’ANEP”

Les réformes du secteur de la communication se feront avec les professionnels de l’audiovisuel et de la presse écrite et électronique. « A condition que les acteurs du secteur s’organisent eux même. La presse ne dispose pas d’associations ni d’éditeurs, ni de producteurs ni de journalistes à l’exception d’un syndicat, qui pour des circonstances précises, est réduit à une ou deux personnes », a déclaré, ce dimanche 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, Noureddine Khelassi, conseiller du ministre de la Communication et journaliste. Il faisait notamment allusion au SNJ, Syndicat national des journalistes. Parlant des chaînes de télévision privées, il a annoncé qu’elles sont en Offshore. «Ces télés de droit étranger ont fonctionné dans la l’illégalité « parfaite ». Elles ont fonctionné en marge de la loi, dans le déni de la loi ou bien, dans le meilleur des cas, en contournant la loi. Là, il s’agit de domicilier le droit partout où il a été absent. On a accordé à ces télés, et c’est là où réside toute l’absurdité de la chose, une autorisation en qualité de représentation d’un bureau de presse établi en Algérie avec un plafonnement de la ressource humaine qui ne devait pas dépasser neuf personnes. Or, on a laissé s’épanouir des télévisions avec des effectifs qui vont bien au-delà de ce plafond. On leur a même permis de disposer de registre de commerce, donc de produire leur contenu éditorial sur le sol algérien, de produire leur chiffre d’affaires et de facturer, tout cela hors la loi. Le pouvoir de l’époque, avec ses différents démembrements, a cautionné cette situation absolument kafkaïenne », a-t-il expliqué.Il ne s’agit pas, selon lui, de couper des têtes. « Il s’agit de régulariser. Un texte réglementaire sera soumis prochainement au gouvernement. Il permettra une mise en conformité les télés offshore avec la loi algérienne. C’est un texte de transition en attendant la future loi sur l’audiovisuel », a-t-il expliqué.

Transfert illégal d’argent

Interrogé sur la situation financière compliquée de certaine chaines de télévision, comme Dzair TV, propriété du groupe Ali Haddad, Noureddine Khelassi a indiqué que ce n’est pas le ministère de la Communication qui a crée ce groupe. « Peut être qu’il y a des palliatifs en termes d’entre aide sociale sont à trouver avec les syndicats, l’UGTA essentiellement, pour soutenir les confrères en difficulté, mais ce n’est pas au ministère de la Communication de se substituer au management des sociétés en question. Des sociétés qui ont gagné et transféré illégalement énormément d’argent à l’étranger. Des enquête seront ouvertes », a-t-il annoncé. Il a confirmé l’ouverture d’enquêtes par l’IGF et la gendarmerie nationale sur la gestion de l’ANEP, Agence nationale d’édition et de publicité. « On a commencé par l’ANEP parce que c’est là où le niveau de putréfaction a atteint des sommets hallucinants. L’ANEP n’a pas de direction commerciale, cela, c’est, à la limite, anecdotique. Cette entreprise, qui a plusieurs pôles d’activités, a été réduite à sa régie publicitaire. Autour de cette caisse, des réseaux transversaux mafieux se sont constitués au fil du temps, en organisant en amont et en aval des pompes aspiratrices de la rente en question grâce à un double jeu, un trafic sur les agréments attribués à des titres de la presse écrite et délivrés par le ministère de la Communication . On a attribué des agréments à des forces extrainformationnelles, un petit peu comme les forces extraconstitutionnelles, c’est à dire à des Issa’bat (bandes) », a-t-il détaillé avant d’ajouter : «Muni de l’agrément Monsieur X ou Madame Y s’allie avec une puissance de l’argent sale qui, elle, s’arrange pour faire jouer son carnet d’adresses et ses réseaux, faire intervenir des tiers d’influence, civils ou militaires, pour pouvoir capter une partie de cette rente. Des fortunes colossales se sont constituées au détriment de l’argent public », a expliqué Noureddine Khelassi. Les enquêtes vont, selon lui, situer les montants ayant fait l’objet d’un détournement par ces procédés. Les chiffres seront rendus publics.

Nouveaux critères d’accès à la publicité publique

Il a promis que Larbi Ouenoughi, nouveau directeur général de l’ANEP, rendra publics tous les dossiers relatifs à cette situation. « Je peux donner un ordre de grandeur. Une page de pub insérée dans un journal donné n’obéit pas à un barème fixe. Les prix sont flexibles, cela varie d’un journal à un autre. Une page de pub en noir et blanc vaut 300.000 dinars. La part de l’ANEP est de 30 %(…) des journaux ont bénéficié de cette manne publicitaire pendant de longues années, avec parfois des pics de 8 pages par jour pour des journaux privés. Il y a eu aussi un soutien généreux des titres publics, jusqu’à 16 pages sur 24. » », a-t-il dit. Il a évoqué l’élaboration de 14 critères d’éligibilité à la publicité publique, considérée, dans cette phase de transition, comme une aide de l’Etat à la presse. Parmi les critères, l’entreprise de presse doit être vertueuse, citoyenne, paye ses impôts, à jour pour ses cotisations sociales, déclare ses salariés y compris ses pigistes et qui publie, à la fin de l’année, ses comptes consolidés. « Nulle part au monde, il n’existe d’exercice de liberté d’informer et d’éclairer en dehors des balises de la loi. Je ne vois pourquoi chez nous, cet exercice devrait être absolu.Le journaliste exerce en fonction des limites de la conscience qu’il a de l’éthique et de la loi qui n’est jamais parfaite, en constante évolution », a soutenu Noureddine Khelassi. Il a souligné que la liberté d’expression est un long exercice et un long apprentissage commun. « Nous sommes dans une phase de transition et de l’élargissement du champ des libertés. Il s’agit d’un vaste chantier de réformes », a-t-il dit. Il a notamment évoqué l’annulation de la loi sur l’information de 2012 qui se fera après l’adoption du projet de révision de la Constitution.