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Mode vestimentaire postcoloniale en Europe : orientale en général, algérienne en particulier

Kamel Bouslama | 06/04/22 15:04

Mode vestimentaire postcoloniale en Europe : orientale en général, algérienne en particulier

Dans tout ce qui est patrimoine immatériel et notamment vêtements récents, produits cosmétiques et objets d’artisanat, s’il est une mode qui, en dépit de la persistante méconnaissance par les Occidentaux de ses origines géographiques et culturelles véritables, revient à présent de façon récurrente en Europe, c’est bien celle du sarouel, du chèche et du burnous, pour ne citer que ces vêtements devenus incontournables parmi les plus usités en la matière.

Or que sait-on au juste de ces « réminiscences », pour ne pas dire de ces vêtements emblématiques, portés en de multiples occasions tant dans notre pays que sous des cieux divers, notamment occidentaux ?Le burnous par exemple, ce fameux « burrus » du temps des romains qui, -après l’avoir adopté- le portaient en guise de suprême distinction, devient aujourd’hui un vêtement aussi pratique qu’élégant pour les bébés ; et, bien évidemment, pour les adultes. Le caftan et la djellaba, pour leur part, inspirent robes et peignoirs. Quand on prononce aujourd’hui ces mots en France ou ailleurs, on sait très bien qu’il s’agit d’acclimatation de vêtements d’origine orientale en général, algérienne en particulier.

Le caftan algérien continue d’inspirer les grands couturiers.

Ici et sans prétendre à l’exhaustivité, bref inventaire de quelques vêtements qui, selon les saisons, sont portés dans notre pays et sous d’autres cieux depuis les temps les plus reculés. Pour tout dire il s’agit là, en quelque sorte, d’un passage en revue du label algérien -tous articles et produits confondus-  à travers les âges.

Inspiration vestimentaire en Europe : Orientale en général, algérienne en particulier

Sarouel : Les origines du mot arabe « sarwal », devenu «saroual », « sarouel » ou « séroual », seraient persanes et remonteraient à des périodes parmi les plus reculées. 

Cet habit d’homme, souple, ample et confortable, a été porté par les cavaliers nomades d’Asie. En Afrique du Nord, les cavaliers numides l’adoptèrent, allant jusqu’à le tailler pour les femmes cavalières et guerrières de la même époque ; devenu synonyme d’élégance féminine dans l’Algérie numide, musulmane puis ottomane, Il fut porté par la Kahéna, célèbre reine berbère, et toute son armée.

Le sarouel a été introduit en France, puis dans les pays d’Europe du Nord au XIXe siècle, tout particulièrement lors de la colonisation de l’Algérie où le pantalon bouffant plissé rouge, retenu par des bandes molletières et des bottes lacées, fit partie du paquetage des zouaves et des spahis. Il tient du persan « shalwàr » qui existait déjà avant l’époque islamique. Il se popularisera tout à fait en Occident à partir de la première guerre mondiale (1914-18) lorsque des régiments entiers de tirailleurs venus d’Afrique débarqueront en France pour servir de…chair à canon !

Dès cette époque, dite des « Années folles », les femmes européennes ne vont pas tarder à s’intéresser à ce vêtement masculin, comme à d’autres vêtements et bijoux d’inspiration orientale ou algérienne.

Chèche : Introduit en Europe par les voyageurs en Orient dès le XIXe siècle, il fut popularisé par son adoption dans la tenue des zouaves et des spahis algériens pendant la colonisation française. Vêtement des baroudeurs et des touristes du désert ces dernières décennies, il est désormais une pièce commune, incontournable des collections de mode. Le chèche vient du mot arabe « shàsh » qui doit son nom à la ville de « Shàsh », ancien nom de Tachkent en Ouzbékistan.

Burnous : Manteau à capuche porté en Afrique du nord dès l’Antiquité, désigné par le mot « burrus » chez les Romains, connu ultérieurement par les voyageurs en Orient dès le XVIe siècle. Comme le sarouel et le chèche, Il fut popularisé par son adoption dans la tenue des zouaves et des spahis pendant la colonisation française. Il est aujourd’hui particulièrement apprécié comme vêtement de bébé.

Djellaba : La « djellabah », en arabe « jallàba », est au Maghreb une longue robe à manches, avec ou sans capuchon, légèrement ouverte sur la poitrine. Sa description se répand avec la colonisation française.

Caftan : A l’origine « robe d’honneur » ouverte portée sur les autres vêtements dans l’empire ottoman, le turc « qaftan » vient du persan « khaftàn » désignant une «veste qui à l’origine se portait sous l’armure». Mais qui, par la suite, a été algérianisé dans sa confection. Quand les écrivains et autres visiteurs occidentaux découvrent ce terme dans notre pays au XIXe siècle, le caftan se rapporte surtout à un vêtement féminin. Le caractère ouvert du caftan inspire aujourd’hui les couturiers européens pour la confection de peignoirs et de sorties de bain. Mais il donne également son nom à des vêtements de type très divers.

Turban : Le turban doit son nom au persan « dulband », passé par le turc « tulbent ». La mode du turban a pris depuis fort longtemps, après que les voyageurs ont décrit, à partir du XVIe siècle, cette coiffure d’Orient dont la mode féminine s’est emparée.

Chéchia : Exporté d’Algérie au XIXe siècle, c’est l’arabe « shàshiyya » qui désigne la calotte rouge autour de laquelle on enroulait autrefois un chèche pour former un turban. D’où l’expression consacrée à l’époque en France : « faire le zouave jusqu’à la chéchia ».

Babouche : C’est une chaussure dont le nom est le persan « pàpùsh », littéralement « couverture du pied », arrivé en Occident par les voyageurs dans l’empire ottoman dès le XVIIe siècle. Mais le mot et le vêtement furent popularisés au XIXe siècle en Europe par la colonisation française dans notre pays.

Gilet : Popularisé à la cour de Louis XVI, le gilet fut introduit en Europe au XVIIe siècle. Il se porte désormais comme vêtement féminin, et dans une gamme d’usage extrêmement variée. Il est parti d’Algérie avec les esclaves libérés qui avaient porté sur les galères de leurs maitres une « camisole sans manche » nommée en arabe « Jalika », qui est un emprunt au turc « Yelek ».

Jupe : Avant de devenir, au XVIIe siècle, le vêtement féminin bien connu, la jupe fut un pourpoint d’homme ajusté au buste, qui est l’arabe « Julba », passé au latin « Juppum » par les Génois au XIe siècle. Depuis, il y a le jupon, la jupette, et mini-jupe, la jupe-culotte.

Chàle : Bien que ce mot existe en arabe sous la forme « shàl », ce n’est pas de cette langue qu’il vient, mais du persan « Shàl » passé au hindi, que les Anglais ont pris à cette langue en colonisant les Indes au XVIIIe siècle. Le persan semble provenir à son tour du sanscrit «sàta» qui signifie tout simplement une pièce d’étoffe.

Jaseran ou jaseron : Les soldats portaient au moyen-âge une cotte de maille nommée jaseran ou jaseron qui trahit son origine. On fabriquait en effet à Alger des cottes de maille annulaires de qualité. Le latin « Jasarinus », attesté dès le XIe siècle, vient de l’arabe « Jaza’iri », littéralement « originaire d’Alger ». Dès le XVIe siècle, on nomme en joaillerie une chaine d’or à maille fine d’anneaux inspirée de la cotte de maille dont on fait des colliers et des bracelets. Aussi une femme élégante peut-elle aujourd’hui arborer des bracelets, chaines ou colliers dits jaserons.

K. B