L’arrestation de Ihsane El Kadi : Le test de la maturité citoyenne (Blog par Ali Bensaad) - Radio M

Radio M

L’arrestation de Ihsane El Kadi : Le test de la maturité citoyenne (Blog par Ali Bensaad)

Rédaction | 27/12/22 21:12

L’arrestation de Ihsane El Kadi : Le test de la maturité citoyenne (Blog par Ali Bensaad)

Ce qui fait lien entre Ihasan El Kadi et Salah Hamouri, c’est ce qui fait lien entre le régime algérien et Israélien : la pratique de l’injustice avec lâcheté

Israël a expulsé Salah Hamouri en France le jour de la finale de la coupe du monde qui focalisait l’attention mondiale et particulièrement celle de la France, finaliste.

Ihsan El Kadi a été incarcéré à minuit pile au moment où débute cette longue trêve dite des confiseurs qui plonge institutions et organisations internationales dans une léthargie de plus de deux semaines, surtout celles occidentales, les seules craintes par le régime.

La lâcheté caractérise les voyous que ce soient régimes, bandes ou personnes.

Lâches eux-mêmes, ils misent aussi sur la lâcheté des autres. Les voyous connaissent bien ce mécanisme et savent instrumentaliser la lâcheté des autres pour faire avaliser leur forfait en fait accompli. Des autres qui trouveront toujours une justification pour légitimer le confort de leur silence ou même se retourner contre la victime pour crédibiliser sa persécution et alléger leur conscience. C’est comme cela qu’il arrive qu’on peut se faire dépouiller dans le silence de ses voisins voire leur secrète réjouissance s’ils nourrissent, pour une raison, fondée ou non, du ressentiment.

Défendre Kadi El Ihsan n’est pas s’y identifier. C’est se battre contre un acte d’arbitraire qui s’inscrit dans un processus de régression autoritaire généralisé, de régression tout court, une régression qui, même si on refuse de la voir sur le terrain politique et des libertés, se révèle dans la médiocrité qui s’est emparée de toutes les institutions et du quotidien du citoyen.

Qui peut nier aujourd’hui la dérive autoritaire du régime et la pente de médiocrité sur laquelle le pays est engagé ? Comment ne pas comprendre que l’arrestation de Kadi El Ihsan s’inscrit dans cette dérive, qu’elle en est un point d’orgue inquiétant. Et qu’au-delà de la personne de Kadi El Ihsan, il faut arrêter cette entreprise destructive qui a touché et touchera des sensibilités aussi diverses et variées et qui met le pays en danger en le dévitalisant. Ce que n’ont pas réussi à faire des puissances étrangères, le régime est en train de s’en charger en affaiblissant le pays par la chasse à ses élites et l’orchestration de leur division.

Se battre pour la démocratie, c’est se battre pour la pluralité de la société et de ses individus.

Ce sont également des individus pluriels, avec des cheminements différents, des intérêts différents voire contradictoires, y compris de classe, qui forgent ce chemin vers la démocratie.

Un chemin ardu qui est donc aussi fait de tâtonnements, d’échecs, de déceptions, d’aveuglements, de passions, de concurrences, de rivalités, de jalousies, de haines et de ressentiments entre ceux-là même qui empruntent et forgent ce chemin. C’est dans l’ordre des choses humaines.

L’ordre de la citoyenneté ne peut effacer cela, il l’organise en compétitions qui, aussi concurrentielles soient-elles, se doivent de rester solidaires au risque de devenir suicidaires, tout comme l’ordre du politique consiste non pas à nier les contradictions de la société ou chercher à les gommer mais au contraire à les faire émerger pour leur permettre de s’exprimer et de se confronter dans le cadre de la Polis, la communauté, la cité.

Voilà pourquoi la solidarité avec Ihsan El Kadi nous concerne tous en tant que citoyens et en tant que patriotes, au-delà des possibles divergences. C’est un test de maturité citoyenne

Comment ne pas évoquer cet écrit du Pasteur protestant Martin Niemöller fait au camp de concentration de Dachau où il avait été interné jusqu’à sa libération 1945 après avoir été arrêté en 1937 et interné juqu’en 1941 au camp de concentration de Sachsenhausen.

« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas Juif.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas catholique.

Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »


Ali Bensaad, Professeur des universités, Spécialité(s) : Monde arabe, Afrique, Moyen Orient.