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Firmus, L’émir Abdelkader, Henri Dunant, Cheikh Bentounès… Quatre piliers de l’édifice universel

Kamel Bouslama | 29/04/22 19:04

Firmus, L’émir Abdelkader, Henri Dunant, Cheikh Bentounès… Quatre piliers de l’édifice universel

Pour celles et ceux qui ne le savent pas encore, l’Algérie n’est pas seulement une terre d’art et d’histoire, pour ne pas dire un des berceaux socioculturels de l’humanité, c’est aussi une terre où la notion de paix et de concorde a toujours existé car notre pays a non seulement reçu, mais aussi apporté énormément à la civilisation humaine. 

En marge de la Journée mondiale du savoir-vivre ensemble en paix (16 mai), adoptée à l’unanimité par L’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2017 et initiée par un algérien bien de chez nous, Cheikh Khaled Bentounès, président d’honneur de l’Association internationale soufie «alawiyya» (AISA), basée à Mostaganem, il est bon de se rappeler que déjà dans l’antiquité, un évêque du nom de Firmus installé à Thagaste (Souk Ahras aujourd’hui), puis un meunier de nationalité suisse installé quelques siècles plus tard à Sétif (Henri dunant) ainsi que deux  autres Algériens d’hier et d’aujourd’hui, à savoir l’émir Abdelkader et Cheikh Bentounès  lui-même, ces quatre grandes figures de l’histoire de l’humanité donc, se sont respectivement et brillamment illustrées dans la construction -précisément à partir du territoire algérien-  de la paix et de la concorde à l’échelle universelle et ce, à travers les concepts courus de Droit d’asile, Convention de Genève, Droit positif humanitaire et Vivre-ensemble en paix. 

Firmus de Thagaste, ou comment est né le fameux  «Edit de Firmus» sur le droit d’asile 

En procédant chronologiquement, le  premier personnage cité, Firmus de Thagaste, fut à l’origine du fameux  «Edit de Firmus» sur le droit d’asile, document signé aux environs de l’an 289 ap. J.-C. par l’empereur romain Maximien Aurélius Valérius Hercules. Le deuxième personnage cité, L’Emir Abdelkader, fut quant à lui, par ses faits et gestes, à l’origine de la Convention de Genève, garantissant les droits des prisonniers de guerre, convention actuellement toujours en vigueur. Henri Dunant, pour sa part, fut à l’origine du droit humanitaire et, par la même, le fondateur de la Croix rouge internationale. Enfin Cheikh Bentounès, président d’honneur de l’Association internationale soufie «alawiyya» (AISA), basée à Mostaganem, est, pour ce qui le concerne, à l’origine du projet ayant été récemment adopté par les Nations-Unies, à savoir la Journée mondiale du savoir-vivre ensemble en paix, qui désormais sera célébrée le 16 mai de chaque année. 

Pour en revenir au parcours de chacun des personnages en question, et des textes de loi qu’ils ont inspiré ou dont ils ont été à l’origine ou les initiateurs, commençons par Firmus de Thagaste (Souk Ahras) et le fameux édit sur le droit d’asile -politique et religieux- dont il a été l’inspirateur et porte le nom (Lire l’article intitulé «Firmus de Thagaste, ou comment est né le droit d’asile», in Radio-m.net, Magazine) . 

On a ainsi pu savoir, au gré de recherches documentaires effectuées sur la question du droit d’asile, que c’est dans un ouvrage intitulé  le «Dictionnaire historique d’éducation» de Jean-Jacques Filassier (1818), qu’un des plus grands personnages de la Grèce antique, Epaminondas, rapporte, au chapitre intitulé «Vérité» du dictionnaire, le cas de Firmus, évêque de Thagaste qui, grâce à son courage, donna son nom à un édit international sur l’inviolabilité des lieux de culte et l’exterritorialité des représentations étrangères.

De l’humanisme de l’émir Abdelkader 

Quelques siècles plus tard, c’est au tour de l’Emir Abdelkader d’inspirer la Convention de Genève en reconnaissant et, par la même, en définissant, en 1837,  le droit des prisonniers et des blessés de guerre. Et, en définitive, en élaborant  en 1843 un décret militaire approuvé par les chefs et les dignitaires  des tribus ainsi que les oulémas, décret interdisant la pratique de la torture contre les prisonniers de guerre et leur liquidation physique. Mieux encore, le même document législatif concède les droits moraux aux prisonniers, permettant par la même, aux  curés, de leur rendre visite dans les camps de détention.

Et, d’ailleurs, rien de tel, pour attester de l’humanisme de l’émir, que cette lettre du général de Saint-Arnaud adressée à sa famille : «Abdelkader nous a renvoyé tous nos prisonniers sans conditions d’échange. Il leur a dit : «Je n’ai pas de quoi vous nourrir ; je ne vais pas vous tuer, je vous renvoie». Il fait des prisonniers à partir de 1833. Il charge sa mère et son épouse de s’occuper des femmes détenues et de veiller personnellement à ce que leur séjour soit le moins rude possible et leur honneur protégé». Tous ces faits se sont produits  27 ans avant l’approbation de la première Convention de Genève -en 1864- pour l’amélioration du sort des militaires blessés, convention qui jette les bases du droit international humanitaire.  

Henry Dunant, fondateur de la Croix rouge internationale 

Cependant, ce qui est plus important dans le legs laissé par l’Émir, c’est cet engouement qu’il avait pour le droit positif humanitaire concrétisé par le fameux décret de 1843. Dans ce texte de loi, il est expressément énoncé que «tout soldat de l’Émir ayant un prisonnier français ou chrétien en sa possession est tenu pour responsable de la façon dont il (ce prisonnier, ndlr) est traité. Il est, en outre, sous peine de la sanction la plus sévère, tenu de conduire sans délai le prisonnier, soit au khalifa le plus proche, soit devant l’Émir lui-même. Au cas où le prisonnier se plaindrait du plus léger des sévices, le soldat qui l’a capturé perdrait tout droit à la récompense». En fait, même si la primeur lui a été pour ainsi dire «volée» par la Convention de Paris de 1857, il n’en demeure pas moins que l’Histoire retiendra, du décret de l’Emir, qu’il reste malgré tout une référence, reconnue d’ailleurs par Henry Dunant. Quoi qu’il en soit, «les faits sont têtus et les règles pour lesquelles a milité Henry Dunant, le meunier de Sétif, dont l’action militante a été le déclencheur du mouvement humanitaire international, ont été par une conjonction de l’histoire, pour l’essentiel, consacrées par le décret de 1843 de l’Émir Abdelkader, telle l’affirmation de la responsabilité de la puissance détentrice des prisonniers consacrée en 1949 par l’article 12 de la troisième Convention de Genève».

Henry Dunant dont une rue à Alger porte le nom (ex- rue Mulhouse, à proximité de la Place Audin)

Précurseur du droit humanitaire sur son propre territoire, l’Émir Abdelkader le fut tout autant en terre d’exil puisque, en prenant position dans le domaine de la protection des minorités, il a pu sauver des milliers de chrétiens du massacre de Damas. D’où, ultérieurement, l’heureuse  convergence d’idées des deux hommes que sont l’Émir Abdelkader et Henry Dunant sur le droit au bon traitement des prisonniers, une idée qui constituera un principe fondamental du droit international humanitaire. 

16 mai, une journée qui montre que le vivre-ensemble est possible

Vient enfin à point nommé pour clore tous ces apports à l’édifice universel, cette fameuse journée du savoir vivre-ensemble en paix, initiée par  l’Association internationale soufie «alawiyya» (AISA), basée à Mostaganem et dont le président d’honneur et guide de la Tariqa Alawiyya est le cheikh Khaled Bentounès, selon lequel «cette journée peut changer les choses. En outre, elle doit permettre d’éveiller les consciences. Nous sommes obligés de vivre ensemble et donc de poser des actes de paix. Concrètement, la journée internationale contribuera à mettre en lumière les différentes actions, comme les multiples rencontres interreligieuses, qui montrent que le vivre-ensemble est possible».

Cheihk Khaled Bentounès

Autant de contributions précieuses à la paix donc, que ce soit sur le plan politique, religieux ou culturel. Ce qui prouve qu’aujourd’hui  l’Algérie, contrairement à ce qu’on tente de continuer de faire croire ici et là dans les cénacles obscurs, n’a plus rien à voir avec l’image répulsive -qui entre temps a volé en éclats- d’un pays pourvoyeur de terrorisme, image colportée depuis quelques années à dessein par ses ennemis et détracteurs les plus acharnés, soient-ils d’Est ou d’Ouest, du Nord ou du Sud.                                                                                                  

K. B.