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Fethi Gheras enfin libre ! retour sur un procès émouvant

Radio M | 22/03/22 19:03

Fethi Gheras enfin libre ! retour sur un procès émouvant

Le coordinateur du mouvement démocratique et social (MDS), Fethi Gheras, vient de quitter la prison d’El Harrach ce mardi 22 mars, après avoir passé presque 10 mois de prison. Retour chronologique sur son procès.

Le 8 mars, 8h30 Cour d Alger deuxième chambre pénale, salle d’audience N°10 a été programmé le procès en appel du coordinateur du mouvement démocratique et social Fethi Gheras. A sa droite sont assis les militants du parti. La salle est archicomble. Deux policiers viennent évacuer la salle en affirmant que seuls les avocats pouvaient rester.

La décision est incompréhensible et les policiers ne voulaient pas donner plus d’explication. La mesure est étonnante. Mais quelques minutes plus tard, un policier a ouvert la porte. Une grande foule était rassemblée devant la salle où on pouvait voir Louiza Hanoune parlementer avec un policier. On l’entend invoquer le droit d’assister aux audiences publiques. Mme Hanoune parlait doucement, mais avec beaucoup d’assurance. Trois choses étaient admirables chez cette militante au long cours ; son calme, son assurance et sa sérénité. Il semble qu’elle ait pu convaincre. 10 minutes plus tard, le policier a rouvert les portes de la salle et tout le monde a pu entrer.

Vers 14h, la juge décide une pause de 20 minutes au cours de laquelle des policiers sont venus demander les convocations aux personnes présentes, en invitant ceux qui n’en avaient pas de quitter la salle Un autre policier commença a crier en disant que les jeunes devaient quitter la salle et que seuls les adultes pouvaient rester. Il est difficile de comprendre les raisons de ce traitement discriminatoire. Selon les agents d’ordre, il s’agit d’instructions de leurs supérieures. Un militant du MDS, Wahid Benhala, fraichement sorti de prison, se montra solidaire avec les jeunes réclamant leur droit d’assister au procès, tout autant que les adultes.

Maitre Bouchachi, de son cote est allé parlementer avec les policiers, tandis que Maitre Assoul s’est engagée à réclamer auprès de la juge, le respect du principe de la publicité des audiences.

Dès la réouverture, Me Assoul tient sa promesse et interféra auprès de la juge en expliquant que « l’accusé est un militant politique » et que « les membres et sympathisants de son parti souhaitaient assister », que rien ne s’oppose à cela et que « l’audience devait être publique conforment a la loi ». La présidente acquiesça non sans avertir qu’elle expulsera tout perturbateur.

« Je ne suis pas président, je suis coordonnateur »

Gheras entre dans la salle d’audience, en affichant son large sourire et en brandissant le V de la victoire. Les militants lui répondent par un autre V à titre de réciprocité et pour faire communion. Gheras approcha de la barre entouré de ses avocats.

La juge l’appela par son nom, prénom et précisa sa qualité de président du MDS. Gheras rectifia « je ne suis pas président, je suis coordonnateur ». La juge relit depuis le dossier et précisa qu’il est écrit ” président “. Gheras ne cède pas et répliqua de nouveau ” je ne suis pas président, je suis coordinateur allez au ministre rectifier.

La juge commence à citer les chefs d’inculpation notamment le motif principal qui est une vidéo enregistrée lors de la conférence de presse organisée au siège du MDS, pour la libération du journaliste Rabeh karéch. La déclaration incriminée est ” le système algérien avait dépensé 50milliards de dollars alors qu’on n’a même pas d’eau dans les robinets”. La juge lui demande de s’expliquer Gheras répand ; « sur quoi dois-je m’expliquer ? ».

La juge reprit la question. Gheras, visiblement énervée, cette fois répondit ; ” Que dois-je expliquer, il s’agit de déclarations faites durant la période de feu Abdelaziz Bouteflika et ce sont des positions d’un parti politique “. La juge insiste ; ” Que voulez– vous dire par vos déclarations ? “

Gheras hausse le ton : Vos questions ne sont pas claires !” ” Sur quoi dois-je répondre vous êtes en train de débattre avec moi et je ne débat pas dans les tribunaux, je suis coordinateur d’un parti d’opposition et la justice ne doit pas se mêler de mes positions politiques et celles de mon parti”.

La Juge : “vous êtes énervé». Elle lui demande de se calmer. “Ce n’est pas possible de continuer alors que vous êtes dans cet état !”, ajoute la juge.

“Il me reste que ma colère, j’ai passé 9mois en prison où je n’ai pas pu parler. Laisser moi le faire aujourd’hui !” martèle Gheras. La juge ordonne une pause de 5 min et s’adresse a Gheras : ” Pour que vous puissiez prendre un verre d’eau et vous reposer “.

Apres la pause Gheras, revient dans la salle et continue à répondre aux questions de la juge. Elle arrive à l’accusation « d’incitation a l’attroupement non armé ». Gheras répond à la  juge qu’il fallait définir “l’attroupement”.

La juge lui fait remarquer encore une fois qu’il est énervé et qu’il répond avec violence. Gheras réplique qu’il n’est pas énervé mais qu’il est « passionné » ; qu’il aime l’Algérie et que l’amour peut emmener à la folie et ” si vous ne me croyez pas ; lisez kais et Leila”.

« Je ne porte pas atteinte au président, je critique, c’est de la liberté d’expression »

La juge revient encore aux accusations et informe Gheras qu’il a « porté atteinte au président de la république ». Gheras répond ; « je ne porte pas atteinte au président, je critique et cela entre dans la liberté d’expression ». La juge lui répond : « La liberté d’expression a ses limites !»

Gheras reconnait que ces limites existent mais conteste l’autorité habilitée à les tracer et estime que “ce n’est pas Tebboune et Chengriha mais ce sont les militantismes du peuple qui déterminent ces limites”. Pour être pédagogue Gheras donne l’exemple des confrontations entre patrons et employés sur les questions des salaires qui s’arrêtent dans un espace situe entre les décisions des patrons et les revendications des salariés “.

 « Tebboune on s’adossant sue El Hirak benni, ce dernier, en 2019, a violé la loi qui interdisait les regroupement », a-t-il ajouté.

Gheras évoque un discours d’Abdelmajid Tebboune ou il est fait référence à Jefferson. Il estime que celui-ci « ne rejoint pas le passé révolutionnaire et la révolution pacifique du peuple algérien ».

La juge invite les avocats à poser des questions s’ils le souhaitent. Un des avocats lui demanda si elle a terminé ses questions. Elle répondit par l’affirmative et précise que « l’accusé ne voulait pas répondre ».

La juge passa au réquisitoire du procureur de la république. Apres la séance des questions-réponses, la parole a été donnée au procureur de la république. Il y a lieu de signaler qu’ cas de présence de la partie civile, celle-ci doit prendre la parole avant le procureur de la république. On peut s’interroger légitiment, pourquoi le président de la république au quel l’accuse aurait porté atteinte ne s’est pas constituer partie civile dans ce procès ?

Le réquisitoire fut bref il laissa au tribunal le soin d’évaluer s’il y a eu des dépassements et maintien les demandes faites devant le tribunal du réquisitoire.

La parole est à la défense

Les avocats plaidèrent pour la plupart le caractère politique des poursuites en se basant notamment, sur la qualité du militant et coordinateur du parti, de l’accusé et le nécessaire respect de la liberté d’expression dans un état démocratique

Maitre Assoul a insisté sur le fait que les déclarations objet des poursuites ont été faites au siège, dans le cadre d’une conférence de presse à laquelle elle a personnellement assisté. Maitre Badi, quant à lui, a évoqué le caractère vaste de la notion d’attroupement qui, selon lui, est un chef d’accusation qu’on peut coller à tout le monde et les choses ne doivent pas se passer comme ça

« Ceux qui espèrent que le changement vient du système ont tort ! »

Quand le dernier mot revint comme toujours, a l’accuse, Gueras évoque trois points ; L’Elite notamment d’opposition, qui était au pouvoir ( le militant donne l’exemple d Ibn khaldoun ) « tandis que qu’aujourd’hui on tue l’esprit on emprisonne les élites et ceux qui osent critiquer ». il souligne que l’élite doit être libre en rappelant son rôle. Cette fois, il se réfère à Charles de gaule lorsque on lui a proposé d’emprisonner jean Paul Sartre il leur répondu « on n’emprisonne pas Voltaire ».

Ensuite, il parle d’une pièce théâtrale de Samuel Bekket en attendant Godot. Dans cette dernière les acteurs et les spectateurs sont en interaction. Et termine en disant que « ceux qui espèrent que le changement vient du système ont tort ! »

Fethi Gheras quitte la salle d’audience sous les applaudissements des militants et des sympathisants de son parti. Le 22 mars 2022, le coordinateur du mouvement démocratique et social Fethi Gheras a été condamne a 1 an de prison dont, 6 mois ferme. Il quitte la prison d’el Harrach après avoir passé   presque 10 mois en prison.

Par : Inès Lezzar