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En Libye, Khalifa Haftar ne reconnaît plus les Accords de Skhirat, pousse son pays vers l’inconnu

Ghada Hamrouche | 28/04/20 15:04

En Libye, Khalifa Haftar ne reconnaît plus les Accords de Skhirat, pousse son pays vers l’inconnu

En Libye, Khalifa Haftar, autoproclamé chef de « l’Armée libyenne », profite de la crise sanitaire mondiale du Coronavirus pour tenter d’imposer ses projets en rejetant toutes les offres de dialogue. Il a, contre toute attente, annoncé, lundi 27 avril au soir, qu’il ne reconnaît plus les Accords politiques de Skhirat, parrainés par les Nations Unis et signés en décembre 2015 au Maroc. Le gouvernement d’union nationale (GNA) de Faiz Al Sarradj, basé à Tripoli, est né de ces Accords qui devaient rétablir la paix dans le pays. Haftar, soutenu par le Parlement de Tobrouk, a refusé la formation de ce gouvernement invoquant la présence d’islamistes en son sein. « J’ai accepté la volonté du peuple de faire tomber les Accords de Skhirat qui relèvent désormais du passé. Des Accords qui ont détruit le pays en le menant vers de graves dérapages. J’ai un mandat du peuple pour diriger la Libye », a-t-il déclaré dans une allocution de trois minutes, diffusée par des chaînes proches de lui comme Libya Al hadath. Habillé d’une tenue militaire, il a salué « l’attachement des libyens libres » aux forces armées qu’il dirige à partir de Benghazi, dans l’Est du pays. « Une armée qui poursuit ses victoires pour libérer le pays du terrorisme », a-t-il affirmé en promettant l’installation « d’un Etat civil » avec « des institutions pérennes ». Ces derniers jours, dans une autre allocation, Khalifa Haftar, qui est soutenu par Abu Dhabi, Le Caire et Moscou, a demandé au peuple de lui donner un mandat pour diriger le pays et a promis d’élaborer « une déclaration constitutionnelle » aux contours non encore définis.

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Ses partisans, dont des soldats, sont sortis dans les rues des localités qu’il contrôle pour l’appeler à diriger la Libye. Des appels intervenus après une série d’échecs militaires sur le terrain face aux forces fidèles au gouvernement Faiz Al Sarradj. L’aviation du GNA a détruit ces dernières semaines plusieurs positions de milices proches de Haftar surtout dans la région de Tarhouna, à 80 km au sud de Tripoli. Les forces du GNA travaillent pour couper les lignes d’approvisionnement des soldats pro Haftar après avoir « récupéré » des villes comme Sabratha et Al Ajilat.

Le GNA qualifié Haftar de « criminel de guerre »

Le GNA, qui est reconnu par l’ONU, a réagi à l’annonce unilatérale de Khalifa Haftar en l’accusant de vouloir fomenter « un énième coup d’Etat ». « Ce qu’a annonce le criminel de guerre à propos du rejet des Accords politiques et tous les autres corps politiques du pays n’est pas une surprise pour nous, mais un pas que nous avons prévu pour dissimuler les échecs de ses milices et de ses mercenaires terroristes ainsi que l’échec de son projet totalitaire d’accaparer le pouvoir », a souligné le GNA, dans une déclaration rendue publique dans la soirée de lundi. Pour le GNA, Khalifa Haftar craint qu’on lui demande des comptes après avoir provoqué la mort et le déplacement de milliers de personnes ainsi que la destruction des installations du pays. Le gouvernement Faiz Al Sarradj accuse Haftar de vouloir rétablir « le régime personnel et celui de la famille », comme ce fut le cas avec Mouamar Al Kadhafi. L’appel de l’Union européenne à « une trêve humanitaire» en Libye à l’occasion du Ramadhan n’a pas été entendu. La nouvelle annonce de Khalifa Haftar, qui trouve des soutiens dans certaines capitales européennes et à Washington, risque de pousser la Libye vers l’inconnu.

« Une tempête parfaite »

Selon The New York Times, Haftar a reçu un soutien des Etats Unis pour son offensive militaire d’avril 2019, notamment de John Bolton, ancien secrétaire d’Etat à la sécurité nationale. Cette offensive « Nous avons maintenant une tempête parfaite, un conflit qui s’intensifie, directement alimenté par des parties externes, une guerre par procuration en plein essor. Nous avons des institutions divisées, le dysfonctionnement, la corruption et une économie en difficulté. Depuis le blocus imposé vers la mi janvier 2020, le pays a perdu au moins 4 milliards de dollars de revenus pétroliers. Et, ce n’est pas le moindre, la pandémie Covid-19 s’ajoute à une infrastructure de santé décimée », a déclaré, jeudi 23 avril, Stephanie Williams, représentante spéciale de l’ONUpar intérim pour la Libye. L’évolution politique et militaire en Libye inquiète au plus au point l’Algérie qui a multiplié ces derniers mois des initiatives diplomatiques en vue de trouver une solution politique négociée à la crise libyenne. Alger, qui a contacté toutes les parties concernées par le conflit, considère que rien ne se fera en Libye sans la contribution de l’Algérie.