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Destituer le régime (BLOG)

Ghada Hamrouche | 23/02/20 15:02

Destituer le régime (BLOG)

Le verdict vient de tomber au tribunal de Sidi M’hamed. Vingt manifestants ont été condamnés à de la prison ferme. Il s’agit des mêmes manifestants pour qui le procureur Sidi M’Hamed Belhadi avait demandé la relaxe avant qu’il ne soit muté par sa tutelle à Guemar dans la wilaya d’El Oued.

Le régime revient donc sans surprise à ses bonnes vielles habitudes. Il feint l’apaisement, et la politique de la main tendue. Parle de démocratisation et de changement constitutionnel. Ose déclarer le 22 février «Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie » – la laideur de l’expression en prime. Il disperse les manifestations par la force, emprisonne à tout va, tente d’instiller à nouveau la peur et prouve encore une fois qu’il ne cesse d’être sa propre caricature. 

Il n’y a plus rien à critiquer chez lui, le pire que l’on puisse dire ou écrire de lui, le régime algérien ne cesse de l’incarner et de le réincarner. Sans vergogne. Il ne donne d’autre choix que la révolution. La révolution qui en Algérie a décidé depuis un an de prendre le chemin d’une mobilisation pacifique et continue, nous obligeant ainsi à repenser tout ce que nous croyions savoir jusqu’ici des moyens de lutte et de contestation. 

Le Hirak est la décision radicale de refuser ce régime. De le refuser en tant qu’interlocuteur. Le Hirak est la décision de déserter l’espace où le régime algérien tente nous confiner. C’est un pas radical de côté.  Le régime a beau se maintenir, le Hirak redit chaque vendredi et chaque mardi qu’il n’en veut plus. Le Hirak est la décision d’une maturité inouïe de ne pas participer au jeu politique en se structurant ou en avançant des leaders et des porte-parole. Le Hirak veut destituer le régime, le vider de sa substance, le regarder expirer quitte à ce que cela prenne plusieurs mois encore. 

 Le Hirak sait que le temps n’est pas à la tiédeur, à l’espoir ou au pessimisme ou pire encore au pragmatisme politique car ce sont là les meilleurs agents du maintien de l’ordre avec leur « sage » et constante impulsion vers le lendemain. 

Avec le Hirak, demain est annulé. Dans la révolution il y a une folie, un élan. Il y a surtout un maintenant. Un rapport retrouvé au présent. Un hic et nunc. La lucidité et la force de voir le monde qui nous entoure tel qu’il est. Injuste. Inacceptable. Il y a aussi le maintenant de la communion. Dès que nous sommes dans la rue, dès que nous  participons de près ou de loin à ce refus, nous ne sommes plus seuls. Nous éprouvons dans nos corps la force de nous tenir debout. Vivants. Face à ce régime mortifère.

Les révolutionnaires sont des acharnés. Ils font sécession. Ils n’ont que faire de succès ou d’échec. Ils n’ont d’autres choix que celui d’agir pacifiquement. Ils sont sourds aux donneurs de leçons qui croient les moquer en les traitant de romantiques ou pire encore en les accusant d’être déconnectés du vrai peuple. Les révolutionnaires ont atteint une lucidité qui les empêche de revenir en arrière. Ils refusent de se laisser happer à nouveau dans la résignation. Dans la normalité routinière de l’impuissance politique. Ils voient le régime algérien pour ce qu’il a toujours été : un scandale.