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Des plages et des saints protecteurs

Radio M | 25/06/22 18:06

Des plages et des saints protecteurs

A l’image de tous les pays qui ont un littoral, l’imaginaire de la mer s’est très tôt fixé dans notre pays. Tous les récits et légendes sur -ou en relation avec- la mer sont, en effet, immanquablement inclus entre ces deux bornes, celle des origines et celle des temps ultimes.

Ainsi ne peut-on être, de nos jours, sans savoir que sur plus de 1600 km de côtes-au lieu des 1280 km jusque là établis par le précédent cadastre-, le littoral algérien étale non seulement une grande diversité de paysages, mais avec, entre autres, une succession de plages qui, pour la plus grande majorité d’entre elles, partagent leurs sites avec des lieux saints renommés.

Dans ces vastes décors qui, en de nombreux sites côtiers, ressemblent aux premiers matins du monde, les lieux saints sont systématiquement situés près des rivages, souvent dans des petites criques. Ils ajoutent au caractère mystique qu’a toujours revêtu le bord de mer, du fait de la propreté de l’eau marine et de la source d’eau douce qui coule à proximité de la presque totalité des plages. Aussi l’image du sable d’or s’étendant à perte de vue sur fond de ciel bleu et de mer azur scintillant des rayons du soleil, cohabite-t-elle quasiment, voire toujours, avec l’image de la koubba du marabout qui, non loin de la plage, veille jalousement sur elle.

Il va sans dire aussi que, dans la tradition musulmane, les plages ont souvent été considérées comme des lieux d’intercession vis-à-vis des saints. Il faut savoir à ce titre, que l’islam a pris le parti de conférer un caractère religieux à bon nombre de ces endroits. C’est d’ailleurs  la raison pour laquelle nous trouvons beaucoup de sites côtiers –plages, criques et autres lieux- placés sous le vocable du saint patron du marabout, de la koubba ou de la zaouïa, en l’occurrence à proximité des mosquées des villages et localités maritimes les plus proches.

Les noms de nombreuses plages commencent par Sidi, quelquefois par Lalla ou Yemma

De ce fait avéré, on retiendra que le littoral algérien a, au cours des siècles derniers, accueilli un certain nombre de saints personnages -des hommes et des femmes- qui y avaient élu domicile et qui étaient connus pour leur grande piété et leur profonde dévotion, ainsi que pour les miracles et les prodiges qu’ils accomplissaient. Qualités et exploits qui leur avaient valu le respect et toute la considération de la population.

Celle-ci les vénérait à un point tel qu’après leur décès elle érigeait, autour des mausolées où sont inhumées leurs dépouilles, des «zaouïas» destinées à perpétuer leur mémoire et à célébrer les exceptionnels mérites et les hauts faits et gestes par lesquels ils (ou elles) s’illustrèrent de leur vivant.

Il ne faut  pas être surpris par le fait que les noms de nombreuses plages commencent par Sidi, quelque fois par Lalla ou Yemma. C’est le signe qu’un saint (ou une sainte) a littéralement béni les lieux, les entourant de bienfaits qui rendent les sites plus attrayants.

Du reste, les longues processions de voitures venant souvent de loin et se dirigeant vers une plage n’amènent pas seulement des estivants à la recherche des plaisirs de la mer. Ce sont aussi des visiteurs attirés par les légendes et autres récits concernant ces sites chargés d’histoire, d’émotion et de mystères. On observera, dès lors, que l’histoire, le mythe et la légende des saints -et autres habitants séculaires de ces sites- sont jalousement entretenus, voire conservés dans ces lieux de mémoire collés aux plages et à la mer.

L’imaginaire collectif dans notre pays a ainsi vite considéré ces saints éponymes de la mer comme des protecteurs contre tel mal ou telle maladie, contre tel mauvais sort ou tel intrus malveillant, etc. Ce qui n’est pas du tout inexact, loin s’en faut.

Kamel Bouslama