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Côte d’Ivoire : 6 ans après l’attentat, les villageois veulent retrouver le Grand Bassam d’avant (reportage)

Lynda Abbou | 13/03/22 16:03

Côte d’Ivoire : 6 ans après l’attentat, les villageois veulent retrouver le Grand Bassam d’avant (reportage)

Par : Lynda Abbou

Un après-midi du mois de février, sous un ciel dégagé, traversant des tunnels verts formés d’arbres et de palmiers, nous nous approchons de la station balnéaire du Grand-Bassam, près d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. C’est un endroit paradisiaque au bord de l’océan. La température ici dépasse les 30°, nous nous attendions à découvrir une plage pleine de monde avec des bruits, des rires et une multitude joyeuse. Mais rien de tout cela

En arrivant au village du Grand-Bassam, nous sommes éblouis par son ancienne architecture, sa verdure mais surtout interpellés par son calme. Nous avons vécu un moment de silence quasi-religieux. Derrière cette carte postale, une sorte d’image d’Epinal, il y a une histoire, un drame.

 Le village ressemble tel un château aux allures de bâtisse hanté et abandonné, garde encore le souvenir de cette sordide journée où le terrorisme frappa avec toute la force de l’aveuglement. Il y a 6 ans, le 13 mars 2016, un attentat terroriste a ciblé le village, faisant tomber 19 victimes ! Depuis cet épisode, le village n’est plus le même…

Le Grand-Bassam est blessé mais il n’est pas mort. Après quelques mètres de marche à pied, nous entendîmes des chants et des rires d’écoliers derrière le mur du musée national du costume de Grand-Bassam.  Leurs voix étaient fortes mais pas autant que le son des vagues géantes de la plage derrière les palmiers. Une harmonie de sons qui apportaient joie et plénitude.

Grand-Bassam était la destination incontournable des habitants de la région et des étrangers qui visitent le pays. Un site touristique de renom qui apporte à ses habitants une source de revenus non négligeable et offre aux touristes un cadre de villégiature privilégié.

Rencontrée sur place, la propriétaire du café culturel, Jah Live art, culture et environnement, Mme Ebirim Rosé, est revenu avec beaucoup d’émotions sur l’attentat qu’elle a vécu. Elle racontait à la fois la magie de l’endroit et la tragédie du drame qui s’y est déroulé. Son récit était un mélange de tristesse, de regrets et d’optimisme. 

Elle a commencé son témoignage par la description d’un beau tableau précédent l’attaque. Un jeune couple heureux qui marchait vers la plage dans un cadre féérique, puis elle a vu une troisième personne courir vers eux. C’était l’un des assassins, mais elle ne le réalise pas avant de voir le premier jeune tomber. Il a été tué par balle ! Ebirim ne comprenait pas encore la scène. Très vite, elle assiste à un second assassinat ! Les terroristes tirent sur la jeune fille qui tombe victime près de son bien aimé déjà mort.

Comme si c’était hier, Ebirim respire de plus en plus vite, verse des larmes et perd ses mots. Elle est toujours traumatisée ! Mais elle ne cesse de mettre en avant la beauté et la magie de son patelin. Elle est nostalgique, le Grand-Bassam d’avant lui manque énormément.  

Antoine, un jeune villageois nous a également raconté son vécu lors de l’attentat. Lui était plutôt dans l’action. Lorsqu’il a vu les victimes tomber l’une après l’autre, dont son ami d’enfance, il a pris le risque de rester sur le lieu de l’attaque et de sauver les personnes en les évacuant.

Contrairement à Ebirim plus prolixe sur ce triste épisode, le jeune homme nous a « franchement dit », qu’il nous parle uniquement car nous sommes « des journalistes qui ont fait le déplacement jusqu’à là-bas pour ce drame ». « Cet évènement qui m’a fait perdre mon ami d’enfance m’attriste et me perturbe au point que je préfère ne pas en parler » a-t-il dit avec beaucoup d’émotions.

Malgré toute cette douleur, Antoine a insisté sur le fait que le danger n’est plus là et n’a pas cessé de rassurer et de presque « supplier » les gens pour revenir au Grand Bassam tout en leur rappelant « la bonne ambiance d’avant », « les frères et sœurs qui venaient par le passé peuvent revenir. Ici la sécurité est assurée et on s’amuse sur la plage comme avant ».

Enfin, Ali Cissé, l’un des commerçant de ce village artisanal a expliqué que l’attentat était un coup dur pour le village sur plusieurs plans surtout économique.  Tout comme ses concitoyens, l’attaque terroriste a laissé en lui un grand traumatisme.

Son seul but, aujourd’hui, est de retrouvé le Grand Bassam d’avant, surtout que la sécurité est largement assurée aujourd’hui. « Pour dépasser cet épisode, nous sommes allés au fin fond de nous-mêmes » a-t-il dit.  En quête de renaissance, de reconnaissance et d’une sorte de « rédemption », le village a lancé un salon annuel multisectoriel pour l’art et la culture.

Ce salon est « une initiative des habitants, qui a été lancée dans l’objectif de récupérer la vraie valeur de leur précieux village ». Il accueille depuis la première édition en 2019 des délégations de plusieurs pays de la région et compte s’élargir et s’agrandir encore plus dans les éditions à venir afin de « rendre au Grand Bassam ce qui est à Grand Bassam ».