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Concertations de Tebboune et profil du PM…ce que pensent des politologues

Lynda Abbou | 03/07/21 12:07

Concertations de Tebboune et profil du PM…ce que pensent des politologues

Après plusieurs rencontres avec « les vainqueurs des élections législatives », dans le cadre des concertations politiques pour former un nouveau gouvernement, le Chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune, a nommé un nouveau premier ministre (PM) technocrate. Que pensent les politologues de ces concertations et à quoi obéit le choix de Aïmen Benabderrahmane à la tête du gouvernement ?

Pour le politologue Toufik Bougaada, les concertations entamées par Tebboune n’ont « aucun fondement constitutionnel ». D’après lui, ce genre de concertations peuvent avoir du sens lorsque les positions politiques des partis « vainqueurs aux élections législatives » sont arrêtées, afin de former une sorte d’alliance, or ce n’était pas le cas après le dernier scrutin. « Il n’y avait pas de déclarations claires soutenant Tebboune et exprimant une tendance donnée, mis à part quelques personnalités », fait-il remarquer.

«Une configuration hyper présidentialiste» 

« À travers ces concertations, les autorités veulent démonter qu’elles sont encore dans la position du dominant. Sinon je ne vois pas sur quelle base Tebboune a entamé ces concertations ni dans quelle logique », explique le spécialiste.

De son côté, le politologue Chérif Driss, a fait savoir que c’était au premier ministre d’entamer les concertations, mais Tebboune a profité du fait qu’il n’y a pas de majorité pour se donner le droit d’entamer lui-même les concertations. Cela veut dire, selon lui, que les autorités algériennes sont « dans une configuration présidentialiste ». « Ce sont des consultations de forme, mais dans le fond la démarche démontre que le régime est hyper présidentialiste », analyse-t-il.

«Décor politique»

Le président du Mouvement pour la société et la paix (MSP), Abderrazak Makri, a révélé mercredi ce qui lui a été proposé, du moins pour son parti, par le Chef de l’Etat lors des dernières consultations politiques. « Il nous a été demandé de proposer une liste de 27 noms, afin qu’ils puissent choisir quatre ou cinq personnes pour occuper des éventuels postes ministériels », a-t-il informé. Pire encore, le chef du parti a fait savoir que les décideurs ne leur ont même pas laissé « la possibilité de choisir les ministères ou les noms qui seront retenus ».

Interrogé par Radio M, sur ces déclarations, monsieur Bougaada a noté que « les propositions de Tebboune montrent qu’il veut des ministres et non un gouvernement de partis ». « Ils veut des personnes sans vision participative », ajoute-t-il. Pour lui, ces propositions prouvent que « les autorités avancent seules et cherchent un décor politique uniquement ».

Notre deuxième interlocuteur, Chérif Driss, a enchainé en notant que « le pouvoir cherche à redistribuer les portefeuilles ministériels mais sans laisser le choix aux partis, car Tebboune veut garder le cœur de la décision politique ». « Il veut une équipe qui appliquera son programme, mais la problématique ici est que le parlement ne pourra pas constituer un contre-pouvoir », décrypte le politologue.

Aïmen Benabderrahmane « un choix de crise »

Officiellement, Abdelmadjid Tebboune a procédé mercredi à la nomination de son ancien ministre des Finances, également ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Aïmen Benabderrahmane comme nouveau Premier ministre, le chargeant de « poursuivre les consultations avec les partis politiques et la société civile pour former le gouvernement dès que possible ».

Pour Toufik Bougaada, « la nomination de Aïmen Benabderrahmane, a mis fin à un éventuel gouvernement politique ».  Benabderrahmane est « un choix de crise. Il n’est pas le vrai choix de Tebboune, mais uniquement une carte qu’il a utilisé à la dernière minute », souligne l’universitaire.  

Il rappelle que « les échos disaient que Tebboune allait opter pour un profil qui mènera un dialogue politique pour une sortie de crise mais finalement le pouvoir est entré dans une situation de déni tout en essayant d’esquiver la crise ».

Dans le discours du pouvoir, les questions futures seront économiques et sociales et sont liées aux finances. Mais Bougaada estime que  Aïmen Benabderrahmane « n’est pas un économiste, mais un homme de recouvrement de taxes. Il est de la même catégorie que Tebboune…un technocrate ».

Le chef de l’Etat « craint » un profil politique au poste de premier ministre selon le même interlocuteur. « Une personnalité politique mettra Abdelmadjid Tebboune dans l’ombre », a-t-il noté.

 Le Message de Tebboune

Dans le même sens, l’enseignant universitaire, Chérif Driss affirme que Tebboune veut « un coordinateur et non un chef de gouvernement ». Pour lui, la nomination de Aïmen Benabderrahmane, qui appliquera un programme économique et social, est un message de Tebboune voulant faire comprendre que « la crise politique est arrivée à sa fin ».

« Dans la logique de Tebboune la parenthèse de la crise politique est fermée et le problème n’est qu’économique et social actuellement. Pour lui, la crise politique a été réglée après les élections présidentielles, le référendum relatif à la nouvelle Constitution et les dernières législatives », précise-t-il.

L’analyste explique également que la nomination Benabderrahmane à la tête du gouvernement « va vider ce dernier de toute orientation politique, car Tebboune veut un gouvernement orienté vers le côté économique et social ».