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Caméras cachées sur les télés privées : un festival de violence, d’agression verbale et d’humour douteux

Ghada Hamrouche | 26/04/20 15:04

Caméras cachées sur les télés privées : un festival de violence, d’agression verbale et d’humour douteux

Les caméras cachées sont encore une fois présentes avec force dans la grille des programmes des chaînes privées algériennes ce Ramadhan 2020. Critiquées durant les dernières saisons télévisées pour leur caractère violent, ces émissions, parfois produites par des non professionnels, n’ont pas rompu avec l’indigence artistique et l’agressivité. En témoigne cette caméra cachée diffusée par Numidia TV, « Ana wr’adjli » (moi et mon époux), réalisée par Mohamed Ben Yahia. Le principe est simple : un homme est invité dans un plateau installé dans un centre commercial, publicité oblige, et est soumis à une série de questions sans aucun intérêt. L’animateur, qui fait plus un interrogatoire qu’une interview, demande à « l’invité », un célibataire de préférence, de préciser « les qualités» de la femme qui peut être son épouse. « Et bien toi, tu as de la chance. Car, je te propose un cadeau, une femme », lance-t-il. Et pour obliger l’invité à accepter l’offre, l’animateur use d’un langage non conventionnel : « ne me crée pas des problèmes avec mes responsables, tu dois accepter ce cadeau ». Résultats des courses : la femme est réduite à « un cadeau » dans cette caméra cachée sans queue ni tête. Elle suscite un tollé sur les réseaux sociaux. Sur Youtube, où les dislike sont plus nombreux que les like, les commentaires sont en grande partie défavorables et critiques. Les internautes sont choqués par le contenu de la caméra cachée. « C’est une humiliation à la femme algérienne », « le mariage n’est pas un jeu », « arrêtez ces farces et ces banalités », « On doit boycotter la châine qui a diffusé cette caméra cachée nulle »…Beaucoup de commentaires indignés. Des appels ont été lancés à des organisations de défense des droits de la femme de réagir face à « sous produit » télévisé qualifié de dégradant.

https://www.youtube.com/watch?v=hz_BsFSVMGo

« Pourquoi tu te rases les jambes?! »

La violence continue de caractériser les caméras cachées d’autres chaines. El Hayat TV, par exemple, diffuse la caméra cachée « A’akem darek » (désinfecte ta maison) de Sefouane Aissi Ahmed et Redouane Lahiani. Un homme vêtu de la tenue jaune des agents chargés du nettoyage débarque dans une maison où une personnalité publique est interviewée pour désinfecter les lieux à cause du Coronavirus. Il provoque l’invité. Avec le joueur de football Mustapha Bouchina, le langage devient ordurier. « Pourquoi tu te rases les jambes? Tes jambes sont très lisses », dit-il à l’adresse du joueur. « Après, je vais te montrer l’astuce pour te raser les jambes », lui répond-t-il. « Tu joue au Paradou, c’est des ananich.Ils chantent « allez Hydra, allez ». Vive El Harrach » », dit-il en usant de gestes d’homme effiminé. Mustapha Bouchina se lève et donne un coup de tête à l’homme en tenue jaune qui est en fait Sefouane Aissi Ahmed. Même les techniciens s’y mettent en donnant des coups de pieds et criant pour « intensifier » l’action. L’homme en tenue est également frappé à coups de chaussures par la chanteuse Nawel Skander chez elle. Une violence censée faire « rire » le téléspectateur et lui faire passer « un bon moment » ! « A’akem darek » ridiculise ouvertement les invités en amplifiant les erreurs de langage comme avec la chanteuse Nawel Skander avec le mot « arsistique » au lieu d’artistique ou avec le joueur Mustapha Bouchina qui a eu de la difficuté de prononcer le mot « athlète » et qui répète le mot « kima ykoulek » (comme il te dit).

« Si je t’avais laissé, tu l’aurais tué » !

La violence est également présente dans une autre caméra cachée diffusée par El Hayat TV, « El Mendjel » (la faucille). Le principe relève du déjà vu : un artiste est invité dans un studio dans un plateau où est présent un chroniqueur provacateur, Abdelaziz Tahmoum, qui passe pour un libanais. Il fait tout pour qu’il soit frappé par les invités : gifles, coups de pieds, insultes, crachats, jet d’eau…tout y est dans cette caméra cachée où le seul objectif est de réveiller les bas instincts des présents et de faire « le buzz ». Le chanteur Yacine El Tiger par exemple agresse la faux chroniqueur ce qui fait dire à « l’animatrice », Sara Abdelli : « si je t’avais laissé, tu l’aurais tué » ! Yacine El Tiger promet de ne jamais mettre les pieds au Liban. La moquerie à l’égard de ce pays est collante dans cette caméra cachée. Cette tendance à puiser dans le vivier de la violence gratuite est visible aussi dans la caméra cachée « El worth » (l’héritage) diffusée par El Bilad TV avec Djeddou Hassan et Mister AB. Une femme se présente dans l’émission pour dire qu’elle est victime de son frère et de son neveu qui l’ont dépossédé de ses biens en trafiquant les documents sur l’héritage. Un invité, un artiste généralement, assiste dans le plateau à l’échange entre la victime et sa famille, intervient et, vite cède à la provocation, et passe aux mains. C’était le cas de Mezmez, qui enlève sa veste et son berret, pour s’attaquer au faux neveu avec une incroyable charge de colère. Les observateurs interrogent sur le rôle de l’ARAV, Autorité de régulation de l’audiovisuelle, dirigée depuis peu par Mohamed Louber. A la veille du Ramadhan, l’ARAV a appelé les médias audiovisuels, publics et privés, à respecter « l’éthique et la déontologie dans l’accomplissement de leur mission ». Appel visiblement non entendu…