Bordj Bou Arreridj: Tahregna mel houria (On brûle de liberté) - Radio M

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Bordj Bou Arreridj: Tahregna mel houria (On brûle de liberté)

Ghada Hamrouche | 22/02/20 10:02

Bordj Bou Arreridj: Tahregna mel houria (On brûle de liberté)

Pas grand monde à Borj en ce jour anniversaire.
Nous avons cherché le cortège pendant plus d’une heure dans une ville morte sous un soleil aoûtien. Ce qui m’inquiète plus que la manif introuvable, pas une goutte de pluie de tout l’hiver… Une catastrophe pour une wilaya agricole comme Borj et pour tout le pays. Les champs de blés peinent à germer, nous avons dû arroser à l’aide de seaux nos jeunes oliviers plantés il y a un peu plus d’un mois. “Ils en parlent à Alger de la sécheresse ?”, demande mon cousin agriculteur.
Non on en parle pas.
Mais revenons au hirak.
Pas de marche ?
Si, il y en a une, je vois les lives sur la page de Brahim Lalami, en détention, gérée par ses camarades. Mais où sont ils ? On ne les entend pas. Mon frère connaît le parcours à la minute près, “à 15h la manif passe par là normalement”, me dit-il. Mais personne. Ils ont dû changer de trajet, à cause des flics qui leur barrent la route, détournent le flux, dirigent la manif. La semaine dernière ils sont passés devant l’hôtel Benhamadi où ils ont scandé “klitou lbled ya serakin”, aujourd’hui la route est fermée, barrage de flics. Barrage aussi au niveau du quartier ouled el djebess et kasr chaab, éviter les batailles rangées.
On monte dans un taxi, il n’a pas vu la manif, nous dépose sur le chemin habituel de la marche mais toujours rien.
On attend quelques minutes. Rien. Décidons de prendre un autre taxi, lui sait, il les a vus passer non loin de la route de Msila. Pas du tout leur trajet.
Il est 15h30, nous les trouvons enfin.
Pas grand monde. Normal, trop de conflits, de divisions, de violences verbales puis physiques en décembre à la mort du Gaid.
Une grande partie des manifestant.e.s de la première heure ont quitté le mouvement fin mai. Cette histoire de vache offerte par Benhamadi et les ouled el djebess, investigateurs du tifo au kasr chaab, accusés de “rouler” pour la famille Condor et proGaid, ont eu raison de beaucoup de manifestant.e.s.
Est venu ensuite le discours du Gaid sur le drapeau et enfin les élections qui ont divisé au sein même de ma famille, ma grande sœur m’a dit, un soir de forte discussion voire dispute, que ça lui rappelait les divisions début années 90′.
Mon cousin ne sort plus car pour lui chacun prêche pour sa paroisse ou ses intérêts personnels, “ils s’en foutent du pays, de nos conditions de vie”. Il me conseille de ne pas sortir, “il ne reste que les pros Rebrab et les francophones”, affirme-t-il.
Il y a les flics aussi, beaucoup de flics, en camion, en 4×4 et en BRI.

Il n’y a pas grand monde, répète-je à mon frère. “Mais pourquoi veux-tu que les gens sortent ici ? Pour fêter quoi ? Tout le monde est déçu, dégoûté ici”.

Brûlée par ce soleil d’été en hiver, je garde espoir, des enfants qui chantent houria, liberté, iront sans nul doute plus loin que nous avons été…

Vendredi 21 février à BBA