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Au «procès du siècle» au tribunal d’Alger : Ouyahia assure sa défense et Sellal plaide l’innocence

Ghada Hamrouche | 04/12/19 17:12

Au «procès du siècle» au tribunal d’Alger : Ouyahia assure sa défense et Sellal plaide l’innocence

Pour la première fois de son histoire, la justice algérienne juge des hauts responsables dans un procès public. Une foule de citoyen s’est déplacée, ce mercredi 4 décembre, à la rue Abane Ramdane, au Tribunal de Sidi M’Hamed, à Alger, pour assister au procès des anciens Premiers ministres Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, après un report décidé le lundi 2 décembre 2019. Pour éviter les bousculades du premier jour, deux portes sont ouvertes, l’une pour les citoyens, l’autre pour les avocats et les journalistes. Dans un premier temps, les reporters peinent à se rapprocher de la porte. Les policiers exigent « un ordre de mission » en plus de la carte de presse. Après protestation des journalistes, cette demande est abandonnée, vite remplacée par une autre : avoir un badge de « journaliste agrée » par le tribunal. La plupart des professionnels ignorent où avoir ce badge. « Mais, il y a d’autres journalistes, ceux de certaines chaînes privées, qui ont eu tôt le matin le badge et ont pu entrer facilement », proteste une reporter. Devant le refus du policier de laisser les journalistes pénétrer dans le hall du tribunal, les journalistes décident de préparer un communiqué. A ce moment-là, un cadre de la DGSN, Direction générale de la sûreté nationale, intervient pour régler la situation. Les journalistes entrent et sont dirigé vers une salle d’audience où a été déposé un écran. Le procès est retransmis mais l’image est de mauvaise qualité et le son inaudible. La salle est déjà remplie par des citoyens. Ne pouvant pas suivre les auditions des prévenus, les représentants des médias demandent à rejoindre la « véritable » salle d’audience dans le premier étage du tribunal. Après plusieurs négociations et actes de protestation, les journalistes parviennent à monter au premier étage. Dans le hall, deux écrans retransmettent le procès. Le son est à peine audible.

« Je ne pouvais pas arrêter Abdesselam Bouchouareb »

A l’intérieur de la salle, il n’y a presque pas de places. La présence des avocats et des policiers, y compris en civil, est massive. Abdelmalek Sellal répond aux questions du juge mais sa voix ne parvient pas à l’arrière de la salle. Les propos sont récoltés par bribes. Pourquoi des micros n’ont pas été déposés pour permettre de suivre à l’aise le procès ? La question posée par certains présents au procès, n’a pas eu de réponse. Interrogé sur « les indus avantages » attribués à des hommes d’affaires pour la création d’unités de montage de véhicules, Abdelmalek Sellal étonne les présents : «Je ne pouvais pas arrêter Abdesselam Bouchouareb, je me suis plains, mais je n’ai pas eu de réponse ». Ancien ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb, coaccusé dans l’affaire, est actuellement en fuite à l’étranger. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Sellal est poursuivi aussi pour « financement occulte » de la campagne électorale de Abdelaziz Bouteflika. L’ex-directeur de campagne confirme l’ouverture d’un compte en son nom pour le financement de la campagne avortée du 5ème mandat et la campagnes de 2009 mais dit ne s’être pas « mêlé » de la gestion financière. Selon lui, Said Bouteflika, en concertation avec son frère président, s’occupait de cela dans des conditions qu’il n’a pas précisé. Said Bouteflika, actuellement en détention à la prison militaire de Blida, sera-t-il convoqué surtout que Sellal ne semble pas connaître la destination finale de certaines sommes d’argent versées pour « appuyer » la campagne électorale du président sortant ? Sellal dit ignorer que l’homme d’affaire Ahmed Mazouz ait contribué à la campagne de Bouteflika en versant presque 40 milliards de centimes. Où est passé cet argent ? Pas de réponse. Abdelghani Zaâlane, qui a remplacé Sellal à la direction de campagne le 3 mars 2019, dit n’être au courant de rien. « J’ai occupé ce poste pendant neuf jours. Lorsque l’argent a été versé dans le compte de la campagne, je m’occupais de mes fonctions de ministre (des travaux publics). Une fois désigné ma fonction était organique uniquement », déclaré Zaalane. Le juge lui rappelle que 75 milliards de centimes ont été versés dans le compte de Bouteflika à partir du 19 février 2019 et que Ali Haddad a retiré 19 milliards de centimes (après le début du mouvement de contestation populaire). Zâalane ne le sait pas.

«Mon fils n’a conclu aucun marché avec un entreprise publique »

Malgré le retrait de ses avocats en avançant l’argument de « l’incompétence » du tribunal, Ahmed Ouyahia décide de répondre aux questions du juge en assurant, en quelque sorte, sa propre défense. Sa demande de faire appliquer l’article 177 de la Constitution est rejetée par le tribunal. Cet article, qui consacré le privilège de juridiction, institue une haute Cour de l’Etat pour juger le président de la République et le Premier ministre « pour des actes commis pendant l’exercice de leurs fonctions ». Détaillant les procédures relatives à l’octroi des avantages pour des projets d’assemblage de véhicules, Ouyahia parleen citant des textes de loi sans donner l’air d’être inquiet. « Je n’ai donné des avantages à aucun opérateur. Tout ce qui a été décidé, l’a été dans le cadre de la loi relative à l’investissement. Je n’ai pas abusé de ma fonction. J’appliquais la politique du gouvernement en la matière », déclare Ouyahia. Le juge l’interroge sur son compte personnel alimenté de 30 milliards de centimes au niveau de la BDL, Banque de développement local. La BDL aurait alerté les autorités, probablement en 2018, sur la source douteuse de cet argent. Le prévenu peine à répondre disant que cela n’a pas de lien avec ses activités en tant que Premier ministre. Durant l’instruction, Ouyahia n’aurait pas expliqué l’origine de ces fonds. Interrogé sur les activités de son épouse et de son fils, Ouyahia répond au juge que son fils a créé une entreprise de services informatiques. « Mon fils n’a jamais conclu de marché avec des entreprises publiques. Il travaille qu’avec des entreprises privées. Mon épouse n’a pas d’entreprises », explique-t-il. Le juge réplique en disant qu’il a transféré l’argent vers les comptes de son fils et de son épouse. « Je voulais les aider », répond-t-il. Mahdjoub Bedda nie lui aussi les faits qui lui sont reprochés. A propos des avantages accordés à Hassan Arbaoui, patron de Global Group, poursuivi dans la même affaire, Mahdjoub Bedda affirme qu’il ne savait pas que le dossier de cet homme d’affaires ne réunissait pas les conditions. « Personne au ministère ne m’a informé de cela. Le secrétaire général du ministère est sensé vérifier tous les documents avant de les soumettre pour signature. Et puis, le ministre qui m’a succédé n’a pas annulé mes décisions,  répond-t-il. Il précise être resté trois mois (entre mai et juillet 2017) au ministère de l’Industrie et des Mines « dans le gouvernement de Abdelmadjid Tebboun ». Il ne manque pas de lancer des piques à l’adresse de Abdessalam Bouchouareb, « qui a violé la réglementation ». « J’ai acheté un bien à El Mouradia à Alger. C’est une cave. J’ai « liquidé » mes entreprises après ma nomination au ministère de l’Industrie. J’étais enseignant universitaire et j’avais une part dans la maison d’édition Dar El Madar », détaille-t-il après une question sur ses biens.