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A Berlin, ceux qui alimentent la guerre en Libye ont multiplié les engagements

Said Djaafer | 20/01/20 08:01

A Berlin, ceux qui alimentent la guerre en Libye ont multiplié les engagements

Le sommet de Berlin sur la Libye s’est terminé, dimanche, comme toujours dans ce genre de rencontres, par une proclamation de bonnes intentions, notamment en matière de livraison d’armes aux protagonistes de la crise et de renoncement aux interférences dans le pays. Aucun de ceux qui ont enclenché la dynamique meurtrière en apportant un soutien direct ou en armes aux général Khalifa Haftar – tous présents à Berlin – ne dérogerait à l’hypocrisie diplomatique en refusant d’endosser ces proclamations.

Encore faut-il se rappeler que l’embargo sur les armes qu’ils se sont engagés à respecter n’est pas nouveau et qu’il remonte à une décision du Conseil de sécurité de l’Onu prise en 2011. Plusieurs Etats qui se sont engagés “hier” à le respecter l’ont allègrement bafoué au cours de ces deux dernières années en armant le général Haftar en investissant dans le projet de dictature qu’il compte imposer au reste du pays. Des livraisons d’armes à Haftar mais aussi des interventions directes – aviation émiratie, présence de forces spéciales françaises et enfin de mercenaires russes – qui actent cette ingérence qui a considérablement affaibli le gouvernement d’union national, reconnu par la communauté internationale. Les choses auraient continué ainsi jusqu’à la chute du gouvernement de Fayez al-Sarraj si la Turquie n’est pas venue – pour ses propres intérêts s’entend – créer un obstacle à cette surprenante entente générale de puissances en compétition ailleurs pour laisser Haftar régler les choses par les armes. 

Un effet turc

La conférence de Berlin, ce ne sont pas les ingérences et les fournitures d’armes qui durent depuis des années qui l’ont suscitée, mais bien l’intrusion de la Turquie dans le jeu libyen. C’est cet élément nouveau – avec une Turquie affichant clairement son intention d’en découdre avec Haftar s’il ne se plie pas au cessez-le-feu décidé par Poutine et Erdogan – que les onze pays réunis à la conférence de Berlin proclament qu’il n’y a pas de “solution militaire” au conflit. Or, Haftar est l’incarnation, jusqu’à la caricature, de la solution militaire et il ne se serait pas aussi violemment engagé dans cette entreprise sans les encouragements et les soutiens directs qu’il a obtenu.

Il reste, comme toujours, à traduire les proclamations par des actes. L’appel à un  cessez-le-feu permanent sur le terrain a peu de chance de se traduire dans les faits si les Etats qui soutiennent Haftar n’exercent pas une pression sur lui. Cela fait partie des non-dits de cette conférence dont la convocation semble avoir eu surtout pour objectif d’entraver l’entrée du nouvel acteur dans le jeu libyen qu’est la Turquie. Des rencontres inter-libyennes entre représentants militaires des deux camps devraient être organisées prochainement et une invitation sera lancée “dans les prochains jours”, a assuré Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Engagements médiatiques

Les participants sont tombés d’accord pour “respecter” strictement l’embargo sur les armes. Cet  embargo sera “plus strictement contrôlé qu’auparavant”, a expliqué la chancelière allemande Angela Merkel, lors d’une conférence de presse commune avec Antonio Guterres, et l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé. “Tous les participants se sont également engagés à renoncer à des interférences dans le conflit armé ou les affaires intérieures de la Libye”, a indiqué Antonio Guterres.

Mais entre les engagements médiatiques et la réalité, il y a un monde. Que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a implicitement rappelé en déclarant que les deux camps libyens ne sont pas parvenus à  entamer un “dialogue sérieux” lors du sommet international à Berlin. Le calvaire des Libyens risque de durer car derrière les discours diplomatiques de circonstances les soutiens à la guerre n’ont pas encore démontré qu’ils renoncent à la solution militaire Haftar.